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Un titre pour ne pas résumer cet album, « Kathleen ». Bouillonnant, crispé, tendu comme un arc, décomposé comme une tragédie en cinq actes. Un mot par contre pour résumer le disque, dévastateur.

Un chef d’orchestre, Benoit Richard, photographe de son état. Un lieu Bruxelles, pas loin d’avoir le même impact (toute proportion gardée) que New York sur le rock. Une nationalité, le monde, avec français, sicilien, suédois et belges au générique. Un style, celui de se camper droit sur ses cordes sur ses peaux, de les tendre au maximum, de leur donner une couleur rouge, qu’elles deviennent brulantes, et que le souffle de la trompette vienne éviter la propagation du feu.

Sur la carte actuelle du rock, Sueellen vient peut être de prendre une chapelle sans vicaire, lui même unique représentant depuis le départ du curé. Les bras bandés, le groupe va alors s’atteler à retirer pierre par pierre d’un édifice modeste, pour le transformer en une cathédrale, une flèche monter le plus haut possible, en dépit des bourrasques a affronter pour y poser les dernières pierres. La puissance dégagée par le son n’a d’égal que celle des constructions. Tel un capitaine se tenant à la proue de son bateau au milieu de tempêtes, Benoit Richard campe sur ses deux jambes, se battant avec les éléments comme Sue se battait contre JR, les dents serrées, la rage dans les yeux. Car le mot est tombé, Sueellen est un disque de combat. Contre les éléments, contre le temps (les titres peuvent s’allonger sans jamais se couvrir du moisis de la répétition), contre l’ennui, contre la monotonie, contre la joie facile.

Aucun des huit titres de cet album ne se confondent en facilité. Alors que « This House » pourrait faire porte ouverte, le propriétaire a décidé de faire claquer les huisseries, faisant exploser les vitres, sauter les gonds. Alors que « I Can’t Stand » se ferait les ongles pour mieux se faire désirer, il laisse sa belle tronche se faufiler, les mains griffant les murs pour éviter la lumière. Quand « I Got You » est lancé on n’imagine pas que la cassure serait aussi violente, que la séparation était si pesante. Sur « Chop Down » on pensait devoir croiser le vide, on est dans une pièce sans sortie, dans laquelle nous sommes l’acteur à la gestuelle expressif, héros soudain d’un drame qu’il serait impossible de dénouer. De héros, dans « Bruce Song », il en est peut être question au détour d’arpèges, mais le titre est loin de la carburation de « I Met Her Online », titre qui se place sur le podium des titres que Serge Teyssot Gay aurait voulu écrire, et surtout très loin de « Through Your Hair ». Ce dernier répond par sa longueur à « Kathleen », et peut se targuer d’une belle ambiance velvetienne, comme si le temps d’une session improbable, presque martienne, Lou Reed aurait invité Chet Baker pour un titre que l’on enregistrerait comme unique message des hommes aux autres civilisations. C’est beau, c’est flamboyant, c’est grand.

Un disque rare




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