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1931-2011 : C’est peut être un peu l’histoire de cette période qui nous est contée ici. Le disque débute par un retour en 1931 : Dr Geo fait hommage au magnifique Devil Got my woman d’un des plus nobles père du blues, Skip James. Et bond en 2011 : on se prend un gros blues rock garage dans le foie avec "Back and forth", intense, le son de guitare est énorme. On pourrait penser un peu à The Black Keys qui auraient arrêté de faire de la musique publicitaire. Ça part fort, avec un grand écart générationnel qui nous rappelle ce qu’il s’est passé ces dernières années. On pourrait aussi penser au Little Trip de Mugison, pour cette façon d’actualiser, voire de synthétiser les années en un album. Troisième morceau, ça part dans un blues rappé par Salima (Beat For Sale, Chez.Kito.Kat), au rythme enfiévré, au groove sulfureux ! Le son est brut, sur le vif, pas lisse, pas sage. Ça déborde, ça vit. Et puis on nage en pleine tristesse de l’Europe de l’est avec "not even my soul", à l’instar de certains morceaux de Tom Waits, rappelant que le blues n’a pas de frontières et a traversé le monde dans les bagages des peuples en souffrance. La mélodie, le son, tout participe au dépaysement. En quatre morceaux, on a déjà fait un sacré voyage, qu’il soit géographique ou temporel. Mais c’est probablement avec "Yeah I’ve been down child" qu’on comprend le mieux qui est Dr Geo, qu’on entend son essence multiple, ce qui l’a traversé avant de se retrouver dans le bouillonnement d’un titre. Début old blues, bruit de vieux vinyle, légère rythmique typée électro...puis clavier électronique qui envoie de lourdes fréquences basses, guitare électrique au delay...orgue...et ça part, mélodies vocales ultra accrocheuses, puis clap, guitare noise. La totale en 3 mn, d’une concision remarquable. "Raining day" est un instrumental qui fait dialoguer une guitare noisy avec un violoncelle, le tout soutenu par une batterie très jazzy, comme dans un vieux club des années folles. Avec "the state of Wisconsin" on a encore une démonstration de ce sens de la formule, celle qui entraîne, tirée de l’évidence de la pop outre manche quand elle nous montre le chemin. "Raining day 28" reprend l’atmosphère jazz club, en version plus déglinguée, comme passée à l’alcool. C’est très cinématographique, d’ailleurs, ça m’a un peu fait penser à "all that you give" de The Cinematic Orchestra . "Soap Bubble" est aussi un titre exceptionnel, qui vers la troisième minute est pris par la grâce avec ses parties harmonisées de cordes et ses envolées mélodiques. Le genre de mélodie qui vous restera dans la tête très longtemps, jusqu’à ce que peut être, en 2091, un petit gars tombe dessus. The endless thanks list, qui porte bien son nom, est un disque enregistré majoritairement en une journée, ponctué des hasards du moment, avec une part d’improvisation. Donc un disque honnête avec l’humeur de son créateur, comme un instantané, enregistré par Fabien Pilard au studio l’usine dont la réputation n’est plus à faire. Onze façons d’avoir le blues, serties d’un artwork magnifique (en plus du style couture made in Chez.Kito.Kat records) qui en dit long : un type, un esprit, une guitare, mille possibilités. Bidouilleur bien connu dans l’est, blues ne veut pas dire stop aux expérimentations. Bien au contraire, à l’inverse d’un Clapton bloqué dans son rétroviseur, le docteur projette ses racines dans le 21ème siècle, d’une manière qui ouvre la voix. Il y met aussi sa façon de vivre la musique, au naturel et avec beaucoup de partage (d’où les invités qui participent à tout, même aux textes). Mettre un peu de fraîcheur dans ce style fait du bien, surtout quand on est enfin débarrassé des pitreries guitaristiques qui rendent souvent le genre insupportable, formaté, tout juste bon pour fond sonore. Ici, vous avez un disque ouvert sur son époque et son passé, riche, varié, inventif et également ouvert sur le futur, comme le fût ce morceau de blues en 1931.

Barclau




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