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Parmi la cohorte de comebacks plus ou moins faisandés qui transforment ce début d’année 2013 en revival 90’s (Bowie, Marr, Depeche Mode, MBV, Suede), The House of Love s’en tire avec le tableau d’honneur et séduit moins pour un quelconque effet nostalgique que pour la qualité feutrée de son sixième album (en quatorze années d’une carrière assez portée sur la poisse). Cela ne tient qu’à trois fois rien : des chansons simples mais qui accrochent l’auditeur dès la première écoute, la voix suave et rassurante de Guy Chadwick, des guitares forcément aguicheuses mais toujours au service d’une entêtante mélodie…

Probable également que le manque d’enjeu que doit aujourd’hui subir Chadwick / Bickers incita la paire à ne pas trop se soucier de reconnaissance tardive ou d’impossible conquête des ondes. Car il faut bien l’admettre : qui, de nos jours, hormis les anciens partisans, s’intéresse à House of Love ? Il sera en effet très difficile de convoquer la vulnérable humilité de « She Paints Words in Red » pour faire comprendre à un adolescent accro aux Strokes que House of Love fut, le temps de quelques mois extirpés de ces satanés 90’s (dans une autre vie, donc), « le plus grand groupe du monde »…

Or, pour nous (vieux cons de fans), le charme de « She Paints Words in Red » provient justement de cette humilité ; une humilité qui, à de nombreuses occasions, sait néanmoins montrer les muscles sans ne jamais tomber dans le démonstratif ou le forcing (à l’image de « A Baby Got Backs on its Feet », premier single qui sent bon l’album-papillon). Car la beauté fragile de House of Love a toujours tenu en un délicat nivellement entre artisanat et volonté d’atteindre les masses, songwriting old-school et emphases héroïques, lectorat « Inrockuptibles » (circa 86-94) et radios FM. Un équilibre que le groupe avait diablement conquis durant deux premiers disques exemplaires (« The House of Love » puis, pour les intimes, l’album-papillon) avant de vouloir parader dans la même cours que U2 (l’inégal « Babe Rainbow ») puis d’opter, sous la pression du label Fontana, pour un « Audience with the Mind » volontairement fier-à-bras, indigne de Chadwick… En 2005, le binôme Chadwick / Bickers reformé, House of Love avait opéré son premier comeback avec un « Days Run Away » bizarrement trop…modeste. En opposition à la frime stadium de « Audience with the Mind » (qui incita les fans à condamner House of Love au bucher), le groupe péchait ici par abus de courtoisie, de bonnes manières. Disque en charentaises, « Days Run Away » voyait un House of Love un peu perdu, un peu largué. Comme si Guy Chadwick, pour raviver la flamme éteinte de toute une vie, expurgeait House of Love de ses principaux attraits rock afin d’atteindre, à défaut du succès commercial auparavant escompté, une petite place encyclopédiste entre Cohen et Peter Perret. Autant-dire que House of Love ressemblait à une affaire classée, à un grand souvenir à ne ressortir que durant les walking-diners alcoolisés…

D’où la surprise « She Paints Words in Red » (dont nous n’attendions rien sinon un album au coin du feu, façon Lloyd Cole). Sans ne vouloir rien prouver, concentré sur un songwriting dorénavant trop « culte » pour prétendre à une seconde jeunesse, Guy Chadwick retient la leçon de ses erreurs passées : un bon disque de House of Love doit tout autant offrir une sensation d’intimité avec l’auditeur (angle The Smiths) de la même façon qu’il ne peut que résonner « populaire » (angle U2). Certes, en 2013, House of Love ne décrochera pas la timbale (parce que Guy et Terry ressemblent à des vieillards plutôt qu’à Julian Casablancas) ; n’empêche : entre la douceur et l’incitation rock, entre le refrain qui emballe mais sans virtuosité affichée (Terry Bickers est ici loin de Levitation), House of Love dégote un juste milieu. C’est-à-dire : un ancien grand groupe certes incapable d’aujourd’hui atteindre la magie de ses fameux « Shine On », « Destroy the Heart » ou « Christine » (des chansons, au même titre que celles de MBV ou des Boo Radleys, qui résument ce que furent véritablement les années 90) mais qui, le temps d’un disque furtif que nous prions pour garder en odeur de sainteté, vient de retrouver une parcelle de légitimité. De fidélité renouvelée ?




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