> Critiques > Labellisés



Je pensais que les sirènes avaient quitté le monde des vivants depuis l’apparition de notre lucidité adulte.

Je pensais que les sirènes ne quittaient plus leurs rôchers lointains en haute mer.

Je pensais que les sirènes ne vivaient plus parmi nous sur la terre ferme. Julianna Barwick est une sirène incarnée en une jeune femme américaine.

Je me rappelle les conseils prodigués par Ulysse, de ne pas se laisser piéger par les complaintes hypnotiques et envoûtantes de ces créatures maléfiques. Je me rappelle de cette image de Kirk Douglas dans le rôle d’Ulysse qui demande qu’on l’attache au mât de son navire pour résister aux charmes de ces mélopées. A l’écoute de "Nepenthe" de Julianna Barwick, vous serez comme Kirk Douglas... Vous ne pourrez résister longtemps aux appels déchirants d’un ailleurs de tous les possibles. Vous aurez tôt fait d’arracher les liens qui vous retiennent au rationnel pour partir vers l’immédiateté de l’instant, du toujours...

Comment tenir face à "Pyrrhic" ou "The Harbinger" ?

Les larmes s’écouleront sur vos joues à la découverte de "One Half" en croyant retrouvé la douceur de Liz Frazer, soeur de Kate Bush en vacances de "Valtari" des frères islandais.

Me revient également à la mémoire les "Sea Pictures" de Elgar chantés par la sublime Janet Baker.

La musique de Julianna Barwick est depuis ses débuts cette force centrifuge qui nous ramène à notre point de gravité intérieur.

Elle s’égare en ondes labyrinthiques virevoltantes dans une tristesse qui ne tutoie jamais le pathétique ou le trivial.

Plutôt de ces tristesses qui ne vous écrasent pas... Une tristesse qui vous grandit.

Les voix des sirènes se recyclent dans des mouvements infinis de vagues de ressac en retour sur "Forever".

Nous prenons cette vieille barque à la nuit tombante, entre chien et loup, dans ce moment où le jour s’évapore dans la nuit...

Les courants nous enserrent... Les eaux lumineuses nous rejoignent...

Des méduses comme des perles de transparence nous guident dans cette errance évasive vers ces promesses d’ailleurs aperçues comme de fugitives éclipses dans "Adventures Of The Family".

L’eau se fait plus noire, la houle plus innocente, la terre plus proche... Les rochers sont là, face à nous... Les voix se sont tues sur "Waving To You".

Du fond de l’infini bleuté, montent des chants lourds comme des sentences de morts heureuses...

Nous tentons de voir le fond en vain... Les voix nous appellent encore et... Nous plongeons...




 autres albums


 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.