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Musicienne née, Rivkah écrit ses premiers morceaux à l’âge de treize ans

(« des instrumentaux que je n’assumais pas et que je gardais cachés »).

Afin de se rapprocher du monde de la musique, elle se lance en premier lieu dans la création de costumes scéniques pour des pointures aussi diverses que Berg Sans Nipple ou Herman Düne. De fil en aiguille, de rencontres bienfaitrices en compagnons insistants, Rivkah enregistre un premier album (« Walking Our Dogs », en 2006) produit par rien moins que Stéphane Buriez et David Herman Düne. Alors que Rivkah n’espérait pas grand-chose de la réception publique de son premier album autoproduit, coup de bol : des Inrockuptibles à Magic en passant par Obskure, l’accueil fut enthousiaste. Suffisant pour sortir un second disque, « Second », en 2011, qui récolte les mêmes louanges que le précédent. Il faut dire qu’il est difficile, voire impossible, de ne pas se laisser envouter par ces berceuses inquiètes, ce piano élégiaque et ce chant de sirène à en faire frémir le plus endurci des marins…

Assumant dorénavant son métier d’auteur / compositrice, Rivkah voit plus grand et large pour son troisième et quatrième opus :

« j’ai pas mal démarché le troisième album car je voulais plus me faire connaître. Je cherchais un tourneur (que je n’ai jamais trouvé, d’ailleurs ; en ce moment, je n’ai toujours rien). Mais j’ai pu jouer à Dublin ou en Espagne par le biais de certaines personnes – pour Dublin, par exemple, c’est une ancienne de Longueur d’Ondes qui m’y a invitée. »

Cette série de concerts a-t-elle redoublé son ambition ?

« Je n’espère pas grand-chose lorsque je sors un disque. Je dois sortir un album tous les deux ans et entamer les démarches pour le faire connaître. Mon but est d’autoproduire mes albums et de voir ce que cela donnera plus tard. »

Et niveau thune ?

« Je ne vis pas du tout de ma musique ; et lorsque je gagne des thunes, je les mets sur mon compte épargne pour autoproduire le prochain album et je fais appel à des coproducteurs.. »

« Shara », quatrième album de Rivkah, est une ode à la plénitude dans laquelle fourmille néanmoins des secrets cachés, la volonté de s’accrocher au bonheur même lorsque celui-ci révèle son visage le plus démoniaque. D’où vient la genèse de ce disque plutôt intemporel ?

« Après le troisième album, j’ai de nouveau mis des sous de côté comme je pouvais, notamment avec des plans de couture à deux balles. Grace à un ami coproducteur, j’ai rencontré Arco Trauma (qui a mixé l’album). Thomas Charlet (un ami musicien et ingé-son) avait accepté de faire l’album ; mais s’il pouvait faire les prises sons, il ne pouvait pas faire le mix. Du coup, j’ai fais le mix au téléphone avec le strasbourgeois Arco Trauma (un mec épatant qui collaborait dans mon sens). Arco s’est également chargé du mastering. »

Quel serait la différence ou l’évolution entre « Shara » et les précédents albums ?

« Instrumentalement parlant, il poursuit l’évolution des précédents. Nous avons mis un alto et un violon (car j’adore le violon), il y a toujours Jean-Laurent Cayzac à la contrebasse (pour moi le meilleur contrebassiste du monde car il ne ressemble à personne) et Ronan Yvon à la guitare… Mais la grande différence avec cet album, c’est que nous avons coécrit les morceaux ensemble : il y a une chanson coécrite avec Stuart Mudie qui s’appelle « The Beauty Of Your Face », une autre (« Take Care ») composé avec Ronan qui a d’abord posé la base musicale à la guitare…Mais sinon, que ce soit pour la façon de composer ou pour les intervenants extérieurs, il s’agit du même fonctionnement que sur les albums précédents. C’est ma façon de Travailler. Maintenant, à force de sortir un album tous les deux ans qui raconte ma vie, j’ai envie de faire un concept album : m’enfermer une semaine dans une maison à la campagne, faire une chanson par jour avec des potes, et la fixer le soir même, à la Pink Floyd ! »

D’où vient le titre « Shara » ?

« Shara, c’est de l’hébreux qui signifie chante. Je me suis mise à l’hébreux depuis peux et je voulais signifier mes origines… Oui, j’avais envie que mon disque porte un titre en hébreux. Cela va également dans le sens de la chanson « Mi Amor », une chanson que j’ai écrite en français (une première pour moi) et qui fut traduite en espagnol, puis en anglais avant de s’achever en hébreux. »

Cette passion pour l’hébreux possède des racines familiales : Rivkah est issue d’une famille polonaise / turc / séfarade / ashkénaze / vietnamienne / suisse / protestante :

« Rivkah est mon nom en hébreux, c’est également celui de mon arrière grand-mère ».

« Shara » n’est pas qu’un disque angélique, il est également un bel objet visuel :

« Comme, au départ, je faisais des fringues pour des musiciens et que je les prenais également en photos, tu ne peux pas savoir le nombre de fois où, dans des soirées modes, on m’a demandé de poser pour des gens. Et à chaque fois je disais « non, laissez-moi »… Et puis le jour où je me suis mise à faire de la musique, il m’a fallut faire pareil et j’ai donc accepté à mon tour de me montrer en photo. Mais ce fut différent car je ne posais pas pour une pub ou pour un truc de mode pourri mais pour moi. Du coup, je me suis un peu lâchée là-dessus ! Et puis surtout, j’ai bossé avec des supers photographes. »

Autre particularité de « Shara », le chien de Rivkah apparait dans chaque photo illustrant l’album. :

« En fait, cette chienne est vieille, elle en a encore pour deux ou trois ans. Et j’ai pensé qu’il fallait que je prenne le plus de photos possibles avec cette chienne avant que cela ne soit fini. En plus, j’ai fais pas mal de trucs avec elle : ce chien a tourné dans des clips, des longs et des moyens métrages… Et l’année dernière, lorsque j’ai commencé à mettre en place le visuel de l’album, je me suis dit qu’il fallait que je prenne plein de photos du chien avant qu’il ne décède ou soit tout de travers. L’idée a plu à mon pote photographe. Du coup, pour le dessin de la pochette, je me suis décalquée sur une vieille photo et j’ai fais une interprétation de la réalité qui représente ma chienne. On trouve le même lévrier sur la pochette de l’album « Parklife » de Blur, par exemple… »

Faussement paradisiaque, « Shara » suinte une douce mélancolie. A l’image de Rivkah ?

« Je peux être super drôle, mais, en même temps, je mets les choses graves sur la table. Il faut regarder la mort en face sinon tu n’avances pas. La mélancolie fait parti de moi. Le YIN et le YANG, c’est cela : la vie ne va pas sans la mort…. Beaucoup de gens ont peur de la mort. Moi, je m’en fous de ma propre mort, c’est celle des autres qui m’est pénible…. Ma mélancolie existe, elle est là. Et puis je suis issue de génocides : le génocide de la Shoah du côté de mon père et la guerre d’Indochine du côté de ma mère. Donc, forcement, ça laisse des traces. »

La fêlure de Rivkah se trouverait-elle ici ?

« Fêlure, je ne sais pas… Mais ça laisse des traces, oui…Le fait que l’on tue des gens pour le fric, le territoire ou le pouvoir, cela marque… Les médecins chinois disent que ta voix est le résumé de celle de tous tes ancêtres. Alors peut-être que je chante pour exprimer le passé de mes ancêtres. Mes disques ne sont ni drôles ni tristes. Sur ce point, je me reconnais dans Barbara. Elle a écrite une sublime chanson qui se nomme « La Mal de Vivre » dans laquelle elle dit « ça ne prévient pas, ça arrive, ça vient de loin ». Et durant toute la chanson, elle te parle du mal et de la difficulté de vivre ; pour finalement la conclure par « ça ne prévient pas, ça arrive, ça vient de loin, la joie de vivre ». « Barbara mettait en avant son aspect dark, mais c’était également une femme pleine d’espoir. »

A l’image de Rivkah : une fée qui ensorcelle par son chant et ses compositions ni trop tristes ni trop joyeuses, une personne pétillante de vie au quotidien.

www.rivkah.fr




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