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Il y a des bruits dans la rue, des coups de gueules, des débris cacophoniques, il y a des bruits mais aucune révolte, le monde est parfois creux, le monde est souvent creux, et vide. Le jeu, c’est de rembourrer les défauts, les grands trous noirs, chacun a sa manière, avec ce qu’on a sous les mains, a portée de regards, des souvenirs, des images d’Épinal peintes a la main, des mémoires de baisers, il suffit parfois de ne rien dire, ni faire, ni être, ne pas jouer, pour ne pas savoir jouer. Je regarde par la fenêtre le ciel nocturne, la pollution de Madrid donne une couleur orange au plafond céleste, je guette des explosions, mais rien ne vient, je sais, je vais jouer, je vais prendre ce que j’ai sous la main, a portée de regard, au bord des oreilles, More yellow birds.

Je les avais là en léthargie, en attente d’un moment, peut être cela aurait pu durer des décennies avant de les user, ou juste de temps en temps des bribes de sons, quelques arpèges jolis pour calmer les fausses tempêtes, des légères folks pour apaiser les brulures et autres jour-le –jour. Ce soir est un grand soir, je ne sais si pour eux (Lui, l’oiseau jaune, François Brousseau) ou moi, la chance tourne, les bruits s’effondrent gentiment au loin, dans les rues coléreuses d’Europe, les chaos s’harmonisent dans le silence, l’aveuglement efface les oranges et le silence des orages, c’est dedans qu’on joue, en nous, dehors, tout c’est éteint, tout c’est perdu. La musique a ce pouvoir divin, ou plus, de l’amnésie et de la reconstruction des lieux rêvés, des échappées belles, des Saint George sans peur de dragons sous les lits, et même si les dehors reviendront, nous le savons, les chaos dominent les autours, oublions dans ces sons ce qui ne sont que de faux ennemis, des maladies feintes, la vraie réalité, est belle comme une chanson de More yellow birds, qu’elle soit triste (Tired and dreamless) ou généreuse et humaine (my beloved heart of gold), c’est une danse de joie intense et contenue, de pas a pas, petit a petit, simple comme berceuse et chansons d’enfances, lumineuse comme lever de soleil. Et dans l’espace de temps, un laps qu’on peut étirer jusqu’au plaisir, on trouve de quoi remplir les creux de ce monde, de quoi rembourrer de coton et trésors les vides de ces rues si pleines de rien, dans ces harmonies enlevées au dessus de paysages éloignés des avenues enragées. Le don de ce disque, le pouvoir de ces chansons, par delà les mots et compositions sensibles, c’est de pointer du doigt cet objet indestructible et sourd aux gueulantes, pointer cet objet derrière les côtes, à l’ abri de tout.




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