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Hey, des potes sonores aux Etats-Unis ! Entendons-nous bien, je ne les connais pas personnellement, mais Ulan Bator fait partie de ces quelques groupes dont on m’aura lancé le nom un soir de billard éméché, ou que je serai allé voir sans avoir prêté attention tellement à l’affiche, obsédé par une fille ou (faisons de la fiction) mes études, mon travail, ma conscience politique, mes amis, ma famille, bref tout ce qui nous distrait de l’essentiel : les chansons.

Ulan Bator fait partie de ces groupes avec lesquels je me suis senti des affinités sans les creuser, sans avoir décelé, justement la moindre chanson à fredonner, la moindre formule-choc à se rappeler, ou une image de pochette (c’est moi ou celle-ci est vraiment moche ?), ou un concert exceptionnel... Même pas écouté un album seul en entier (à part celui-là quand même !)... Je ne saurais même pas dire quand je ne les ai PAS rencontrés pour la première fois : quand Vincent m’a fait écouter sur le magnétophone dans la carlingue bruyante de sa R5, tel morceau en m’en parlant, et qu’alors que le morceau en lui-même était noyé de bruit de fond et de ses propres paroles passionnées, je ne pouvais qu’adhérer ? Ou ça c’était les Thugs ? les Deity Guns ?

Non, impossible de confondre Ulan Bator et les Deity Guns : j’ai pu véritablement écouter ensuite les seconds, me rappeler leurs chansons, me documenter etc. Je ne connais rien que le nom d’Ulan Bator et toutes les choses liées à ce nom que je pensais noyées pour de bon : de... bonnes... soirées... points de suspension inclus. "Des moments de plaisir", dirait Miossec.

Ulan Bator est-il un groupe à boire ? Pas à la Carlos, mais plutôt à la Dandy Warhols ou quoi, tubes en moins, ce que j’appellerais festif antisocial, ou groupes à boire tout seul, pas du festif chaleureux et sociable, du festif joyeusement énervé et autoexcentrique, de la logorrhée vague et rageuse, la jubilation de râler en freestyle monologue sans se soucier d’un public présent ou pas ?

Rho je ne pensais pas que définir ma relation à ce groupe prendrait autant de temps, et, notons-le bien : je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à dire ce mélange de sympathie et de méfiance bonhomme que m’inspire Ulan Bator, cette curiosité et cette distance, ce sentiment diffus, ouvert mais retenu, qui fait d’un groupe, comme de certaines gens, un pote plutôt qu’un ami, un souvenir qu’il est bon de laisser vague plutôt qu’un projet précis... Points d’une tonne chacun de suspension inclus... Ce truc qui peut être pris à tort pour de la condescendance et aussi bien à tort pour de la vénération mystique, et qui tient des deux, à mort, à tort... Cette relation du manque de relation... Cette ignorance réciproque mêlée de fascination et d’inquiétude... L’amour ? Mauvaise réponse ! Bon je me disperse, on googlera plus tard pour l’historique du groupe*.

Alors je vais parler de la musique (ça se fait, paraît-il) : ce disque est numérique et gratuit, le son est vraiment de plutôt mauvaise qualité (genre enregistrement de répètes), et ça va faire quatre fois que je l’écoute, mais chaque fois sans vraiment l’écouter, et à chaque fois en prenant mon pied. Je me laisse porter. Agacé à des détours (des accents à la Noir Désir encore ? heureusement qu’on entend très mal la voix), fasciné par des passages (autistes, bruitistes, hédonistes, qui me rappellent Delay 1968, de Can), positivement crispé par des ultrasons, pas souvent rasséréné par une basse absente, ce disque me vide le cerveau à chaque fois et ne me laisse jamais ni le saisir ni le rejeter.

Et j’aime ça. Pas de chansons ça fait du bien des fois. Une suspension totale des opinions, du discours, un pâté de léopard pluridisciplinaire qui pique, un frelon cybernétique et des bras jetés à travers le peloton qui aboie de travers, "y’a du bordel dans ma tête", chante-t-on... A des washingtoniens probablement éberlués ou hilares, peut-être absents (non : une fille dans le public, sur un ton qui semble assez sarcastique, répond alors - mais est-ce à la chanson qu’elle répond ? - "I feel better now, thank you...")

Pas de chansons discernables (bien qu’indexées), un son médiocre, de longues envolées et du bruit, tranché en deux longues plages façon 33 tours. Des brins de poésie adolescente noyés vite dans le reflux de son. Une absence de sens qui ressemble à la vie, du mystère ou du vide, du vide caché dans du mystère et du mystère déguisé en vide. C’est tout ce dont nous avons besoin, ici et maintenant. I feel better now... Je vais peut-être même commencer à me débarrasser de ces satanés points de suspension... Un de ces jours...

* en attendant, tiré de leur bandcamp, et... inachevé comme un clin d’oeil... : "ULAN BATOR started their long carrier in 1993 in Paris as a duet composed of Amaury Cambuzat (Vox, Guitar and keyboards) and Olivier Manchion (Bass). Their first rehearsals sessions happened in a deep, unused chalk-mine in the suburbs of Paris. This strange location was, step by step, transformed into a "recording studio" where they were to record, compose and produce their first three recordings. "




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