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Enfin ! Un disque important ! (Le premier cette année depuis Viet Cong.) Dire que nous espérions une telle secousse venant de Benjamin John Power (from les décisifs Fuck Buttons) serait un tantinet disproportionné, sauf que le titre éclaireur (monstrueux « Dead Format ») indiquait clairement un deuxième LP solo en provenance direct d’un marécage insalubre. C’est le cas (ou presque).

Comme tous les grands albums technoïdes (du moins, ceux apparus durant la seconde moitié des 90’s), « Dumb Flesh » est une traversée des égouts vers la lumière. Mais loin d’alterner décrépitudes malfaisantes et éclaircies bienvenues, Blanck Mass juxtapose le crade et le radieux, l’ordure et l’aube renaissante. En guise de socle, des rythmiques métalliques, des basses vicieuses, un tunnel à l’abandon qui semble ne jamais vouloir en finir. Pourtant, des zébrures constantes, voire souvent un contrepoids sonore, arrachent les titres de « Dumb Flesh » à la terrible pesanteur des albums glauques. Une lumière baigne en permanence sur les nouvelles compositions de Benjamin John Power. Ce contraste (le sous-sol et le ciel au-dessus des ruines) permet à Blanck Mass d’accéder au rang des artistes parmi les plus contemporains du moment. Car là où, aujourd’hui, le propre d’un musicien consiste à choisir le tout noir (avec cynisme) ou le tout blanc (avec putasserie), « Dumb Flesh » reste lucide : du ténébreux, certes, mais dans lequel il faut bien vivre. Il ne s’agit pourtant guère d’atténuer un quelconque excès nihiliste par le mensonge du « tout ira mieux demain » mais bel et bien de transformer un quotidien insalubre en territoire humain, commun à tous (de gré ou de force). Acceptation du sale, traque d’une fleur fanée dans la résignation 2.0, sursaut émotionnel et compatissant en plein règne du « moi je »… La généalogie électronique de cet album aussi digne que souffreteux ne trouverait qu’un seul parent : « You Guys Kill Me » de The Third Eye Foundation.

À l’image de sa pochette cronenbergienne, « Dumb Flesh » évoque également une sexualité mutante (« Long live to the new flesh » disait déjà James Woods - en 84 - dans « Videodrome »). Le sexe s’offre imprévisible, furieusement moderne car dans une optique pas loin de la science-fiction prophétique (Cronenberg, donc ; et par extension J.G. Ballard). Baiser dans l’extase et la peur, dans l’abandon de soi avec risque d’un pic à glace dans le cou. Un sadomasochisme consentant car la recherche de l’orgasme ultime ne tient ici qu’à la destruction des tabous moralisateurs (à l’instar des personnages de « Crash » qui, pour à nouveau ressentir l’excitation sexuelle, s’envoyaient littéralement en l’air au moment de l’accident automobile). « Dumb Flesh » : album d’ici et demain, en phase avec l’époque car le regard porté sur l’imminente concrétisation d’une philosophie 70’s liée au corps humain (latente depuis la normalisation du tatouage).




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