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Il est temps de fermer ce quadriptyque sur les petites muses des jours bleus et marron, après l’or de Marianne Dissart, la jeunesse de Maïa Vidal et les lunes de Sophie Hunger, voici venue le jour de Yaël Naim. Le quadriptyque porte des gonds en surplus, au cas ou il faudrait un jour y rajouter des Alma Forger, ou encore des Brooke Wagonnen (je prépare l’avenir). J’aurai à rajouter des pléiades de femmes, des Aimée Man, des Noah (pas celui des rastas), jusqu’à ce que les hommes méritent l’autre côté du tableau (je suis méchant, il y a des hommes merveilleux, un jour, ce sera leur tour). Yaël, douce et griffeuse Yaël, puis-je cerner ton talent ? Une petite fée qui t’accompagne me donne une piste, ma chère Nathalie, que je sais d’un esprit beau et sans limites, ne jouerai pas sans dose de rêve. Plus loin, plus loin va Yaël, là où se réveille l’âme, au-delà du songe, Yaël, douce comme une infante, griffeuse comme une femme, est un éternel éveil. J’ai donc fait ce chemin un peu scientifique (ce qui m’a valu d’avoir achevée cette chronique bien après les prix et honneurs, excuse pour ne pas paraitre opportuniste, quoique ma chère Nathalie en est témoin, je ne marche qu’au sang pour mon moteur-cœur, a l’émotion, parfois au nerf). J’ai fait cette étude très poussée et profonde, ardue, de me réveiller chaque matin avec un morceau de toi, Yaël, non seulement la pièce musicale, mais aussi chaque doigts de toi sur le clavier, chaque rictus de toi aux intonations, chaque œil de toi sur ce monde. Attention, je n’ai pas dormi avec elle, j’ai vécu les réveils, quand la vérité ne c’est pas encore habillée, et j’ai eu des éveils sans pareil, ici et là, ainsi puis comme ça, maudits et bénis (ce chant presque gospel des dimanches de messes villageoise qu’est « Walk Walk » vaut autant pour maudire que pour bénir). Voici donc 11 manières d’ouvrir les yeux, des plus lourdes paupières aux plus ensoleillés cristal de fenêtre, de ces jours où le rythme de la pluie sur les carreaux des dimanches, où le rythme des peaux, où le son de l’absence, en préservant cette naïveté, l’ingénuité des entrouvertures de l’iris, quand le monde voit déteindre les rêves le temps de presque rien, « I Walk until » est cet étirement paresseux qui étend nos rictus vers le ciel ce geste qui se fait remède du prochain mouvement, avant de se lever. « Make a child » est ce réveil tardif, cette grasse matinée, le bruit rapide des petits pas d’un enfant avant de sauter sous les draps et éclairer le monde d’un amour aussi simple que ça, et réveiller des étincelles dans les yeux des pères, tout simplement, le bonheur. « Dream in my head » est plus plomb, plus mercure, ces réveils alourdis par une nuit trop courte, ou trop humide, cette douleur de découvrir la réalité quand on a su de l’irréel, ces sueurs d’été qui ne soulagent pas le temps perdu, et encore moins celui qu’on perdra, un lament des heures éveillées. « Coward » est le non-réveil, la fin de l’insomnie et le début de l’éveil, l’agonie de la solitude d’une nuit entière a chercher l’irréel sans avoir trouver autre chose que des faiblesses, des ratures, du vide. « Trapped » est une obligation à ouvrir les yeux, une résignation à se mettre debout, douche, petit-déjeuner, la même table, le café cloné d’un jour a l’autre, la vie Pavlov, la vie sans sucre, la timidité de changer une de ces monotonies qui sont cages, qui sont horloges, qui sont ciment a nos yeux ouverts. « Ima » ce sont ces caresses sur la joue de la môme qu’on veut réveiller pour se nourrir de sa présence, qu’on veut pour s’éclairer de ses faits, couchés le long de son petit corps, donnant a nos mains le geste le plus doux possible, le pas de ballerines, et ce doux sourire qui nous fait naitre chaque matin, et qui commence une valse légère, d’une joie sage qui se danse jusque dans « She said », ces bras qui s’entourent autour des cous. « Take me down » va plus loin que le réveil, c’est l’accouchement, la vie neuve, l’effacement de tout ce qui fut avant la nuit, la mue, l’éveil au nouveau monde, la force du débutant. « Older » est une paresse, une presque-fatigue de tout, l’envie de ne plus avoir envie, le piège des draps, la prison du lever de soleil, l’idée absurde de ne plus avoir a se lever, avoir l’idée d’en rester là, même si rêver éveiller est trop tardif, , en rester là, coucher, et dormir a jamais les yeux ouverts, sans voir autre chose que rien, qu’un rêve. « Meme Iren song » est la berceuse avant d’aller au lit, car pour vraiment se réveiller, il faudra bien entrer dans le rêve, car sans dormir, on ne verra jamais le jour, alors calmer les lueurs, taire les valses, couvrir les mômes somnolents dans les chambres adjacentes, poser les joues sur l’oreiller, veiller le jour qui meurt, et attendre sagement de vivre a nouveau.

Donc, tout n’est qu’un cycle de vie, des ombres aux lumières, des vérités aux trompe-l’œil, du somme au réveil, sagement, sans brusquer les tempos, sans bousculer, ne pas réveiller avant l’heure le papillon dans le cocon, ne pas user le corps a nos côtés, ne pas rayer le jour de ce que la nuit a unie.




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