Trouver un angle d’attaque. Ou attaquer un des angles qui m’ont toujours obsédé, me cognant la tête contre eux de façon tranchante pour essayer de polir, de le rendre aimable, de l’arrondir pour se lover contre lui. Il y aurait la glande pour les arrondir suivant Diabologum, mais trop peu pour nous, le temps presse. Avant de le polir, de changer ses degrés pour mieux lui appliquer de la rondeur, il faut le trouver l’angle. Parfois j’ai beau chercher je ne le trouve pas, comme ici avec ce nouveau splendide LP de Old Mountain Station. Pourtant le groupe nous offre des angles, des structures arrondies, des formes géométriques dans un alignement foutraque dans lequel les triangles guidés de façon anarchique par des rectangles semblent vouloir toucher le coeur de la cible que serait le rond.
Quel angle alors que le groupe a changé en incorporant Damien à la basse et Gabriel à la batterie transfuse entre autres de Baden Baden ? Passer par dessus les influences majeures que sont Grandaddy et Pavement, oubliant peut être que sans l’expérience des anciens nos vies seraient peut être un renoncement à toucher la cible qui est d’avancer ? Reprendre les étapes d’un chemin déjà long pour ce groupe qui nous proposait il y a une dizaine d’années ses chansons comme un artisan échelonne ses productions le temps d’un marché rupestre avec fierté et joues rouges de timidité.
Au final cette histoire d’angle pouvait me perdre dans un labyrinthe dans lequel il est un roi cynique. Il fallait envisager de regarder le disque, de l’écouter en s’extrayant d’une géométrie spatiale qui ne fait même pas rêver les étoiles depuis qu’elles-mêmes sont rangées dans des figures que la géométrie invente pour se rassurer. Shapes est un disque échappant aux lois de la géométrie, se jouant de ces foutus angles. Shapes est un cache cache épatant, prenant les mots comme le petit poucet prenait des cailloux pour retrouver un chemin, empruntant des sons pour se rassurer tout en rendant des hommages. Shapes est un disque a la fougue attachante, un disque de randonneur qui prendrait le temps de s’extasier sur le vol des papillons quand bien même il n’aura pas de place pour dormir dans le prochain gite prévu sur la feuille de route. D’ailleurs les feuilles de route le groupe semble ne pas en avoir, sauf peut être celle d’offrir de la mélancolie comme on offre le miel de son jardin à un ami, lui suggérant de façon très indirecte que ce qu’on lui donne est à la fois bon et important. Car tout est important dans ces chansons auxquelles nous nous attachons. Sous une forme de timidité (oui la musique timide existe) se cache des fossettes saillantes et craquantes, des mélodies imparables, des envolées tranquilles qui font grossir votre coeur écoupe après écoute (My Eyes Were Heavy) et une voix (celle de Thomas Richet) qui confirme que son heureux possesseur est une sorte de petit prince qui n’aurait pas besoin que nous lui dessinions un mouton, mais qui pourrait par contre vous montrer comment gambader avec un troupeau dans une praire.
Si je cherchais un angle, j’ai trouvé l’écho, le son que celui m’aura renvoyé, un son plein de nostalgie d’une certaine idée de la musique, de mélancolie, d’amour de l’ouvrage, aussi touchant qu’universel. Old Mountain Station confirme qu’il est un des groupes les plus irradiants de notre beau pays, et comme pour les rayons du soleil il nous réchauffe suivant l’angle avec lequel nous le prenons ; chouette je crois qu’enfin je l’ai trouvé.