> Interviews > Ma Compilation ADA



Camilla Sparks – Precious people

Concert au Petit Bain, sur les quais de Seine, un soir d’hiver. Je nage dans une félicité sonique décuplée par des milliers de pintes de bière et Barbara est vraiment atomique, alors quand elle descend de scène pour s’aventurer dans le public, elle s’approche de moi, si beau dans les ténèbres, et bam !je dépose sur sa bouche un baiser merveilleux et ensuite… c’est un peu brumeux, je rentre chez moi, à pied sous la pluie, en riant, le cœur marshmallow, et depuis Barbara et moi vivons une histoire d’amour magique, on se parle dans ma tête, on goûte les pâtisseries à la mode et on fait des tours du monde imaginaires. Barbara je t’aime, et même si on ne s’est jamais revus, je sais qu’on sera ensemble pour toujours. D’aucuns diront que tu n’as pas mon numéro de téléphone mais le fait est que je n’ai jamais reçu de message de rupture. Sinon tu peux aussi me donner des nouvelles : mon numéro est le 07 61 11 57 14. Je pense à toi, très fort.

My Broken Frame – Today

Un soir à Paris, je croise Guillaume et lui témoigne ma sympathie suite à une critique musicale assassine dans un magazine de pop-music (récemment ressuscité). Il soupire et sourit – de son beau sourire – et m’explique que la chroniqueuse est une ex-girlfriend super furieuse d’être devenue une ex : je me suis promis qu’en cas de célébrité soudaine et irrémédiable, je me contenterais d’une présentatrice de bulletins météorologiques, c’est moins dangereux. Et qui la prendrait au sérieux, quand elle m’accusera de faire tomber la pluie ?

I Come From Pop – Underwater game

J’ai passé mon adolescence à Concarneau – c’était le néant en bord de mer. Mon frère Simon, alias The Callstore, s’époumonait dans sa chambre et on pouvait l’entendre chanter jusque dans la rue. La légende urbaine veut que ce vacarme a attiré l’attention de Pascal et lui a donné envie de faire de la musique. J’aime bien cette scène, qui est certainement fantasmagorique : un type sur un trottoir, immobile, qui écoute un autre type qui chante dans un appartement au troisième étage. Ils sont reliés pendant quelques minutes, ils ne se connaissent pas, et puis la guitare s’arrête et le type sur le trottoir rentre chez lui, en fredonnant. Un peu plus tard, il mange de la purée de pommes de terres et des sardines à l’huile, en se disant que la vie est cool, parce que la musique rend la vie cool.

Ched Helias – Augusto’s dead

Ched vit tout au bout de la Bretagne et un été je lui ai envoyé mes clefs d’appartement pour lui permettre de séjourner tranquillement à Paris, tandis que j’étais ailleurs. J’avais changé les draps, passé l’aspirateur, caché mes livres de Drieu la Rochelle et établi une liste d’endroits où traîner (je suis certain qu’il aurait aimé la Butte aux Cailles). Un soir il m’appelle et me dit qu’il n’arrive pas à ouvrir la porte, la clef ne rentre pas dans la serrure. Évidemment, je suis bourré, je ne comprends rien, j’oublie même qu’on s’est parlés. Plus tard, j’apprends qu’il a séjourné dans un hôtel bon marché et que sa femme est furieuse contre moi. En fait, Ched s’était juste trompé d’immeuble.

Moi Caprice – Love at last sight

Le porno, avec le football et les hot-dogs, c’est vraiment mon truc. Je crois que je ferais un bon historien du porno (ou du football, ou des hot-dogs). Je peux parler de cadrage, de bande-son, de doublage, comparer l’évolution des genres et donner des conférences dans le monde entier. Je fais partie de ces types qui attendent patiemment la nouvelle Eve, une femme robot que l’on débranche quand on n’en a plus besoin. Oui, je suis misogyne. Et j’en suis fier, ce n’est pas facile d’être misogyne dans une société dominée par le féminisme, où l’on passe pour une brute quand on énonce : je te veux. Il n’y a rien de magique dans une femme. Rien de rien. La seule magie, c’est celle que nous leur insufflons, et elle disparaît quand nous devenons lucides. Moi Caprice, à mon avis, c’est un des pires noms de groupe de la terre. Hors de question d’écouter un truc pareil. Mais ça me fait irrémédiablement penser à Marketa Stroblova, alias Little Caprice, une de mes actrices porno préférées. Elle n’est pas parfaite mais dégage un charme mutin qui me chavire quand je la croise, et chaque jour je l’entends me dire à l’oreille qu’elle est dingue de moi : avec elle, pas besoin d’une nouvelle Eve.

Matthieu Malon – Des traces

Matthieu, je le suis depuis la fin des années 90, et la sortie d’un 45 tours de Joe Shmo sur le label brestois Les Tartines. Quand il a signé sur Le Village Vert, j’étais super content pour lui et je pensais qu’avec son hymne « On baisse les bras » il allait casser la baraque. Un soir à la Maroquinerie, après un concert, on traînait autour d’une grande table pleine de monde et il y avait une guitare et je lui ai demandé de jouer cette chanson, et je crois que moi aussi j’ai joué une chanson, on était super bourrés, c’est flou. Souvent mes meilleurs souvenirs sont des souvenirs flous, parce que les souvenirs flous, on peut les pimper jusqu’à plus soif.

Garden With Lips – Madeleine

Mon ami Gildas est un épicurien sensible qui adore cuisiner et composer des chansons délicatement tortueuses. Je l’accompagne sur scène, ce qui fait de moi un spectateur privilégié de ses concerts : j’aime vraiment ce type. Mais vous a-t-il déjà parlé de Jamie Oliver et de sa salade mythique, la « mère de toutes les tomates ? » Moi oui. Quatre fois. Quatre putains de fois. La même tirade. Mot pour mot. Le calvaire… Alors c’est quoi , la salade mère de toutes les tomates ? Non, on s’en fout. En plus, je suis carnivore.

Arnaud Le Gouefflec – Mieux vaut trouver la mort

« Rêvons plus sombre », j’ai vraiment galéré pour le finaliser, je n’entendais plus la musique alors Arnaud m’a porté secours pour le mixage : trois jours d’entente parfaite, dans sa grande maison à Brest, en plein cœur de février. Je me disais : merde, ce type est d’une patience infinie, il mène mille projets à la fois et ses propositions sont toujours pertinentes. Il est parfait, quoi… Les gens sans défauts m’inquiètent toujours un peu. Heureusement, un soir, il est rentré de répétition et comme avec Maëlle, sa femme, on avait tout bu et tout fumé, bah il a râlé et pesté et bougonné, parce qu’il avait la grand soif, et ça m’a mis de bonne humeur. Arnaud était enfin devenu humain.

My Diet Pill – The port

Je travaille dans un bureau en plein cœur de Paris et quand je fume des cigarettes sur le trottoir les jolies filles m’ignorent, je ne suis pour elles que l’ombre de l’ombre du réverbère alors je scrute mon destin atrophié en pensant des insanités. Parfois Sébastien m’accompagne, avec sa bonne humeur et sa tignasse brune dont je suis jaloux (mais je ne le montre pas). Sébastien est musicien, c’est l’ancien bassiste de My Diet Pill. C’est tout bête, mais je suis content de ne pas être le seul musicien frustré enfermé dans un bureau en plein cœur de Paris.

Arch Woodman – Five blessings

Je crois que je n’ai jamais écouté un morceau d’Arch Woodman. Je sais juste qu’il est brestois et qu’il fait de la jolie musique. Notre lien est plus que ténu : il y a une affiche de lui dans les toilettes de mon ex-femme. Je ne sais pas vraiment pourquoi, quand j’utilise les toilettes de mon ex-femme, je suis un peu mal à l’aise, peut-être parce que je ne suis pas certain que des ex-maris doivent avoir accès à l’intimité de leur ex-femmes. Je veux dire, c’est comme si vous trouviez un vibromasseur dans la salle de bain de votre ex-femme. Ou le gros slip d’un gros mec super viril. Ou un test de grossesse. Et donc ce sentiment de culpabilité, j’essaye de le dériver à chaque fois en me disant : bon sang, il faudrait quand même que j’écoute Arch Woodman. Un jour j’ai questionné mon ex-femme : pourquoi y a-t-il une affiche de Arch Woodman dans tes toilettes ? Elle n’a pas su me répondre, elle ne se souvenait pas l’avoir accrochée au mur et n’avait jamais entendu parler de ce type. Dans la vie, il y des mystères impénétrables, et c’est ce qui fait son foutu charme.