Difficile de ne pas comparer Grand Prix, le nouveau Biolay, à Baby Love, le dernier Murat. Dans les deux cas, des albums funk-pop orchestrés avec génie, qui labourent le terroir des sentiments déçus, de l’amour meurtri. De la part de l’un comme de l’autre, rien d’hasardeux puisque BB comme JL carburent depuis toujours au swing et ne cessent de triturer la thématique du romantique blessé, du Don Juan courtois soudainement confronté à la saloperie contemporaine.
Biolay comme Murat n’ont jamais lésiné sur le trash, le verbe cru, la position du mauvais rôle. Victimes narquoises simulant la faiblesse pour mieux piquer le cœur des traîtresses, les deux hommes, derniers vestiges du 19ème siècle, ont souvent usé de violence afin de cautériser leurs plaies. Biolay, en 2007, en extirpa son meilleur disque : Trash Yéyé, l’album favori des quarantenaires qui repensent méchamment à leurs premières épouses.
Pourtant, Grand Prix et Baby Love, malgré leurs rapprochements, bifurquent sur leurs façons de commenter, en 2020, le lien amoureux – et c’est Murat, haut la main, qui prend le dessus. Car là où Baby Love fonctionne à l’instinct, à l’instantanéité colérique, Grand Prix, bizarrement, ne s’exprime qu’au passé, comme si BB ne pouvait dorénavant écrire que sur des souvenirs qu’il enrobe de romanesque. Les intitulés parlent d’eux-mêmes : “Comme une voiture volée”, “Où est passée la tendresse”, “La Roue tourne”, “Souviens-toi l’été dernier”.
Difficile de se sentir émoustillé par le traitement que propose aujourd’hui BB sur la question des affres sentimentales tant Grand Prix ressemble souvent à une version référentielle, donc épanouie, de la rage qui inondait Trash Yéyé ou Vengeance. Biolay y enjolive (façon course automobile) le moteur de ses ruptures, il puise dans ses obsessions favorites mais les mots possèdent un air de déjà entendu.
Grand Prix, pour Biolay, est un retour à l’indie-rock (après son diptyque argentin, et un superbe Palermo Hollywood) : influences Strokes, Smiths, peut-être pas trop Teenage Fanclub… Au niveau de la forme, rien à dire : du Biolay haute classe, balançant cordes et synthés sur des structures jangle pop, virtuose crâneur qui possède la légitimité de l’être. Question fond, peut-être est-il simplement temps que BB renouvelle ses thématiques…