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Saint-Clair, à Sète, qui domine avec le Mont Saint-Clair, permet d’admirer, selon l’endroit où l’on se trouve, un panorama éclectique de la ville et de ses environs : l’étang de Thau, la corniche, la ligne de chemins de fer… C’est également l’impression que donne ce dixième album de BB : une vue assez complète, pour ne pas dire excessive, de toutes les influences et passions discographiques de l’auteur-compositeur. Nous retrouvons ainsi, dans Saint-Clair, les envies de rock indé (le très StrokesPetit chat”) et l’allégeance envers les hautes symphonies en Technicolor, les tentations commerciales (un duo, au demeurant convaincant, avec Clara Luciani) et les échappés electro-pop (les ombres de Mirwais et New Order planent sur le catchy “Numéros magiques”). De toute façon, et c’est l’une de ses grandes forces, Biolay n’a jamais voulu choisir ni arpenter un territoire qui l’aurait peut-être, malgré le succès public et la reconnaissance critique, enfermé dans un rôle réducteur de dandy symphoniste au bagout de surdoué. Le risque étant celui de la dispersion et de la boulimie. Sur ce point, Saint-Clair, qui comporte tout de même dix-sept titres, parvient à maintenir son cap, sa ligne motrice malgré la profusion des styles abordés. Car l’album, qu’il sonne dancing ou électrique, dispose d’une solide assise rythmique – peut-être à ce jour la plus ouvertement rock gang de Biolay – permettant à chaque titre d’embrayer très fort puis de basculer vers l’apothéose d’un puissant refrain qui, caractéristique habituelle de BB, se fredonne souvent au bout de deux écoutes.

On savait également Biolay admirateur acharné des Smiths ou de Teenage Fanclub ; et bien plus que sur son précédent album (Grand Prix, que le premier confinement nous avait empêchés de vraiment aimer), les références anglaises et américaines (tendance pop rock, of course) se déploient ici avec une assurance suffisamment affirmée pour justifier la maîtrise de son auteur sur les grosses secousses musicales de son adolescence. Parfois, on redoute la nécessité du surpassement, le besoin d’en faire toujours plus (jusqu’aux limites admises), mais BB, qui ne changera jamais, s’amuse à saupoudrer l’ensemble d’un beau ruban d’allusions textuelles qui désacralisent la prouesse recherchée, à revenir aux basiques du cul alors qu’on le pensait en route pour un bel îlot romantique. Relations perdues ou remémorées, roman-photo porno, rejet de l’amour (donc de son pathos) : Saint-Clair rime avec chair.