Le duo grenoblois le plus génialement halluciné du monde revient avec un EP conçu pour les auditeurs apôtres des champignons et de la ganja. Wesh rak ? En pleine forme dans l’hyperespace ! Car ce ne sont plus quatre buvards d’affilée que viennent de s’envoyer David Litavicki et Pierre Gheno, mais l’intégralité de la pharmacie. Sale Quart D’heure, qui fait suite, dans sa logique numérale, à Dix-neuf mars, pourrait confronter Félix le père Noël au lapin carnivore de Sacré Graal, le film Grave à l’intrusion acide de Climax, les punks de l’an 2092 au squelette ricanant de John Lydon…

On ne saurait déterminer un sens global à ces quatre histoires de frime, de raclette et de cannibalisme, sinon peut-être dans leurs évasions lexicales : pas question, pour les Churros, de sagement commenter l’époque (ils s’en foutent, nous aussi) ou d’ancrer leurs mots dans le glauque contemporain (ils l’ont déjà fait, à quoi bon reconduire la chose ?). Inversement, chaque titre de Sale Quart D’heure joue sur la sonorité des phrases et des tournures, sans crainte de partir très loin dans le nonsensique. Plaisir ludique pour Pierre et David à se renvoyer la balle, à surenchérir chacun dans le délire de l’autre, jusqu’à (malgré eux ?) laisser entendre ce qu’ils ne disent pas. Précaution : un stick convenablement dosé aide à mieux s’immerger dans l’expérience.

Musicalement, adieu définitif aux grattes incisives et faramineuses de l’album Couteau. Place ici, comme sur le précédent EP, à une électro homemade qui cherche à faire sourire tout en tirant la gueule. Une électro qui rongerait le parquet à force de refuser le petit jeu de la perfection pop. Une électro qui se vomirait dessus et inviterait les gens nobles à faire de même. Il est possible de regretter les décharges noise de Couteau (décidément un classique du rock français), mais en fait non : quand un sommet est atteint, mieux vaut tout casser, tout reconstruire, partir voir ailleurs (higher ?). Ethique d’une formation touchée par le radjaïdjah.