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David Byrne, Cindy Sherman, Kanye, les boîtes à rythmes Roland des années 90 et Ween dansent la Carmagnole, tous en rond sur le pont d’Avignon. Ils fêtent la fin de la pandémie (pourquoi j’arrive toujours pas entendre autre chose que "pain de mie" ?).

Pas question de se lamenter, de faire sa petite dépression nerveuse, ou ratiociner son complotisme étroit du bulbe. Non ! On veut rire ! On veut tout donner, et même si c’est à dix mètres de distance, Marc Ribot et ses potes Shahzad lsmaity et Ches Smith veulent secouer leurs abdos, leurs zygomatiques cérébraux et nos vies canalisées par 450 chaînes de télé et l’hypermarché de la zone industrielle. Bref, ils pressent le citron de 2020-2021, et ce n’est évidemment pas très sucré.

Le capitalisme, le genre, le sperme et les girafes se télescopent pour refuser tout, résister à tous, dans un mot parlé (ça sonne aussi bien que spoken word) new yorkais derrière lequel les cuivres quasi samplés chez James Chance croisent jazz et fonque afin que tu te dandines seul sur le dancefloor, toutes lampes éteintes, car c’est ainsi que la musique redevient musique. Mais Activist (c’est le titre) vire bientôt au découpage en règle (genre confettis aux ciseaux crantés) du pauvre gars engagé dans toutes les causes possibles et impossibles. Marc Ribot en revient, lui aussi.

Le charme ? Difficile à définir, par définition. Un art du contre-pied, l’œil rieur mais jamais moqueur, une aisance à se laisser traverser par l’imaginaire. Et l’art d’établir le contact. Arrivés au cinquième titre (Bertha the cool), Marc Ribot t’attrape par la main et te fait danser sans pour autant lâcher sa guitare.

Se montrer léger sans être inconsistant, voilà ce que nous apprennent les grands, ceux dont le parcours est si riche, les rêves touchés du doigt si nombreux qu’ils ne rendent compte qu’à eux-mêmes. Et encore. Ainsi Marc Ribot nous propose, après la trépidation de la ville-monstre, la contemplation de la nature, un soir de printemps (The long goodbye). Seulement voilà : les villes grandissent, s’étalent, blobs visqueux et voraces en recherche de petites forêts primaires à grignoter. Le déchaînement furieux brossé par les trois amis n’a cependant qu’un temps, et bientôt, le chaos ne sait plus quoi dire, quoi penser. Il se demande si, après tout, il vaut bien la peine d’avoir un nom. Aucune ville n’est éternelle, pas même en Italie.

Marc Ribot ne caresse pas sa guitare pour des échelles temporelles minuscules. Pas celle d’une vie, pas même d’un siècle. Il s’inscrit dans les cycles géologiques. Alors. Il a le temps.




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