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Dans son émission C’est Lenoir, Bernard Lenoir avait coutume d’auréoler avec une pointe d’humour, mais une sincérité qui devait se cacher sous peine des quolibets, un groupe du statut de meilleur groupe du monde, ou plus grand groupe du monde, la mémoire me fait plus défaut que la nostalgie. The National et Swell eurent cet honneur, à défaut d’avoir celui des hit-parades squatté par le tout-venant de l’amicale des bas du front ou par l’indie pop proprette ou faussement alternative, sachant mettre le doigt où il faut.

Ce n’est pas pour me prendre pour mon meilleur compagnon des soirées entre les années 80 et 2000, mais j’aime aussi ce petit jeu, qui au final ne fait pas rire, avec un brin de gêne, non avouée, mais que les regards traduisent, que ma petite famille. Je ne vais pas énumérer ici mes marottes qui vont des Liars sur la longueur à Wu Lyf sur la foi d’un seul album, mais la distance entre ma dernière lubie musicale et ce « Bon Mots » de The John-Pauls est longue.

Car, oui, je l’assume, je vais le crier, The John-Pauls est le meilleur groupe du monde, et « Bon Mots » est le disque qui m’accompagnera sur ma barque, quand les flots montants, inexorablement, feront ressembler nos contrées à des archipels. Le groupe n’est pas une découverte. En 2015, le premier EP nous mettait K-O debout, nous offrant le plus beau cadeau avec un morceau pour 38 de nos compilations, et en 2017 le bluffant « Forget To Remember to Forget », un titre offert pour le volume 43. Depuis, sans guetter comme un chasseur les mails de l’excellent label Aagoo Records, l’arrivée d’un nouvel album du quintet texan, nous arrivant tout droit d’Austin a aiguisé les papilles de mes oreilles, avec la même gourmandise que nous guettions les nouveautés des Feelies ou de Yo La Tengo, quand la radio avait une antenne en ferraille, et que les nuits entre le lundi et le mardi étaient interminables d’attendre l’arrivée des nouveautés dans le bac de notre disquaire favori.

« Bon Mots » nous offre cela. Deux moments me firent chavirer dés la première écoute. Le premier sur le lancinant et captivant « O.O.O. » chanté par Mikila, une douce Moe Tucker qui prononce ces trois O, avec quelque chose qui justifierait que Greil Marcus en fasse une somme littéraire insubmersible. Le second est sur « Boxes Inside Bowes », sorte de chute de studio, que les fan de la ripolinisation du son trouveraient inaudibles. Sauf que les une minute zéro deux de ce titre a quelque chose qui dépasse le cadre même de la musique, comme si nous arrivions enfin à percer un secret, mais qu’il était mieux pour lui que nous remettions le couvercle. Des secrets, Phillip John-Paul, en dissimulent au gré de ses « Bon Mots », jouant pendant ses chansons, nous faisant ressortir notre « Sky My Husband » de Jean-Loup Chifflet, pour jouer avec lui, mais avec la perfidie de Mark E. Smith. Mais la rigolade s’arrête là, car face à un tel disque, je n’ai qu’une envie, de me coucher contre lui, de le choyer pour ne jamais le perdre, et de l’écouter pour sentir que définitivement, seule la musique pourra nous (me) sauver de la corde.

Jamais le New York n’avait été prononcé avec cette classe insolente depuis Lou Reed, oncle grincheux qui semble s’être penché sur le berceau du groupe (No Names) sans pour autant lui faire de l’ombre. Jamais les guitares de Sonic Youth, période « Washing Machine » n’avaient eu une telle descendance.

Enregistré par le guitariste Matthew John-Paul, l’album dégage une proximité rare, comme si nous étions dans la maison que le groupe avait louée pour l’enregistrement. Dés « Bon Mots », chanson évidente le charme opére. « Same Dweller, Diffèrent Cave » à l’instar de " Danny Green » (qui n’est pas une chanson du nouveau Cohn Bendit, ancien Danny le rouge), d’obédience rock, sont des moments intenses, pourtant portés par le chant fatigué de Phillip John-Paul, qui semble devoir s’endormir, pour mieux nous réveiller.

Il y a ensuite des prouesses, des moments de grâce comme ce « didn’t i ?? » (ma chanson de l’année pour une vie), une « métronomie » douce, une liaison presque hallucinante entre les guitares de Tarnation et de Mogwai, sur une rythmique hypnotisante, et le chant doux et parfait de Mikila. Chez The John-Pauls, on pouvait se croire chez Pavement, on n’avait juste pas ouvert, assez grandes nos oreilles. (« Kindness » devrait rendre jaloux Stephen Malkmus)

Avec trois guitares qui jamais ne prennent le premier rôle (la production parfaite laisse une place importante à toutes les composantes.), une diversité dans le chant, une approche presque mystique des incunables, maniés avec une religiosité dépourvue d’un symbolisme rigide, mais plutôt encrée dans l’envie d’en découdre comme si c’était une question de vie ou de mort, mais pour de faux quand même, car ce ne doit être que de la musique (les splendides country-folk « Denver Rainbow » , « Forgetness » ), The John-Pauls distille une musique intemporelle.

« Bon Mots » n’est ni un grand disque, ni un chef d’œuvre, mais il est plus que ça, car jamais nous nous sentons écrasés, bien au contraire, nous sommes aimantés, utilisant l’étymologie même du mot.

The John-Pauls ou l’incapacité de nous décevoir, Best band of the world.




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