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J’ai abordé le nouvel album d’Arman Méliès sans vraiment connaître son univers, étant, pour je ne sais quelle raison, passée à côté de son travail. Oui, j’avoue ici avoir choisi de chroniquer cette sortie musicale en premier lieu par curiosité autour de la collaboration sur le morceau « Néon démon » étant une adepte de la musique exceptionnelle de Syd Matters* (*qui faute de nouvel album pour le moment, a réalisé dernièrement les musiques de deux films, « un métier sérieux » et « non aligné », prémices d’une bonne nouvelle à chroniquer bientôt sur ADA ?)

A l’écoute de la musique du multi-instrumentiste Arman Méliès, j’ai très vite constaté que j’étais face à un univers infini, ouvert à tout le champ des possibles.

Le monde d’Arman Méliès est vaste, et il n’a pas choisi son patronyme au hasard : il navigue dans un espace créatif très personnel et habité. Dans cette proposition artistique, Arman Méliès n’a de cesse de se réinventer et de puiser sans relâche et sans retenue dans des styles musicaux différents qui cohabitent dans une démarche parfois romantique, parfois troublante mais toujours profonde.

Sur cette création en particulier, son approche grandiloquente et poétique, évoquera aux cinéphiles le cinéma à l’imagination sans limite du grand Georges Méliès. Ainsi par exemple, c’est un texte très imagé qui nous fait pénétrer dans l’incroyable « Ventre monde ».

L’auditeur est entrainé - à l’écoute de ce projet libre d’une heure et demi - dans des méandres imagées façon photogrammes. Nous suivons ici l’auteur dans le labyrinthe de son esprit, de son intimité, et certainement de son histoire personnelle.

Cet album est réellement chargé d’une présence particulière, impossible à définir mais bien tangible, qui navigue parfois du côté des morts tout en y invitant chaleureusement les vivants avec des invités musicaux qui viennent accompagner mais surtout enrichir ici le voyage : ainsi, Abd Al Malik pénètre “Les Mondes Périphériques” au son d’un synthétiseur, ou La Féline mélange sa voix à celle d’Arman au centre d’une envoutante « Agora ».

Obaké, en japonais, signifie à peu près esprit ou fantôme, mais ce qui caractérise les obakes est leur faculté de métamorphoses. Cette idée de transformations surnaturelle peut aisément se transposer ici au fil des morceaux, mais aussi dans la structure même de certain titre qui nous surprend soudain comme le ferait un contre-champ imprévu ! Et si Arman Méliès avait simplement, dans cette proposition artistique, accepté de pénétrer dans un chemin allégorique sans en connaître la destination ? Se laissant la possibilité de rencontres, d’échanges, de revirements, d’accidents mais aussi de temps de pause.

Le morceau « Tombés dans la nuit » clôture ce projet musical au son d’orgues solennelles. Je vous invite à l’écouter durant une promenade solitaire, le soir venu, vos pas accueillant la nuit profonde qui s’installe autour de vous, telle une présence. Mais laquelle ? L’univers alors en nous s’étire.