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La presse musicale britannique se plaît ces derniers mois à nous rejouer l’épisode connu de la British Invasion. Le dernier South By Southwest représenterait ainsi le 6 juin 44 de cette prise de possession territoriale pacifique. Cette British Invasion là s’opère à grands coups de riffs de guitares et d’admonestations bonhommes (" We’re just a bunch of idiots " lancé par exemple par le leader des Kaiser Chiefs au début de leur set) qui finissent de convertir les indie-kids américains.

En parallèle et selon une logique des échanges qui, dieu merci, ignore les règles de l’OMC, une armée non-belliqueuse de Nord-Américain pénètre les frontières de ce que certains croient bon de nommer encore le Vieux Continent. L’invasion en question a beau se jouer sur la pointe des pieds et ne proposer pour seules armes de destruction massives que talent, voix pétrie de sentiments et guitares en bois, elle se révèle au final bien plus conquérante. Cela tient au poison violemment mélancolique qui imprègne chacune des flèches de leurs carquois d’album. Royal City l’année dernière terrassait ainsi tout esprit rétif avec leur Little Hearts Ease, modèle de folk-pop classieux. Le hasard n’explique donc pas la présence aux manettes du stratège Andy Magoffin sur la dernière réussite de Tony Dekker (aka Great lake Swimmers), Bodies And Minds.

Le plan d’attaque de GLS s’apprécie sans difficulté : reddition sans concession. Et sa mise en application est imparable. Les deux premiers titres " Song For The Angels " et " Let’s Trade Skins " anesthésient les sens et placent les troufions chargés de monter la garde dans un état agréablement comateux. Tony Dekker, qui peut s’enorgueillir d’une parenté vocale nette avec l’ami Oldham, captive puis laisse un lacis de guitares folk et de clavier parfaitement caressant se charger de l’évacuation des corps (bodies) une fois les esprits (minds) contrôlés. Il prend ensuite la garnison à revers : il place en effet le propos sur le terrain d’une pop-folk un brin plus musclée que ce que laissait présager son précédent album homonyme (mars 2004). Le jeune musicien de Toronto s’entoure ici de quelques gars de la Légion qui s’arment de banjo, de lap steel ou encore d’une batterie. " When It Flows ", magistral, " Bodies And Minds " ou " Falling Into The Sky " avec le renfort d’une chorale, finissent de prendre pour possession le territoire d’une musique folk, que l’on qualifiera tantôt de dépouillée tantôt de plus apprêtée et d’évocatrice d’une vie idéalisée proche de la nature, à défaut d’avoir les capacités intellectuelles de développer un vocabulaire neuf qui rendrait compte du chagrin cathartique et du caractère éminemment introspectif des titres de cet effort (" I Could Be Nothing " ou " Various Stages "). Procurez-vous Bodies And Minds et cédez-lui sans résistance. Vous pourrez ainsi à l’envie organiser vous-même l’occupation de votre territoire intime. Une capitulation appelée de vos voeux en somme.




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