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La plupart des gens commencent l’année avec une bonne grosse gueule de bois, héritée d’un réveillon de la Saint-Sylvestre chargé en alcool, en baise (pour les plus chanceux) et en baston. Les autres, invités nulle-part (comme moi), se réveillent dans leur lit douillet en se disant qu’ils ont toute l’année pour picoler, forniquer et se castagner, donc une soirée de plus ou de moins, what else ? Et puis il y a le prolifique bordelais Hugo Carmouze, qui branche sa guitare électrique directement dans la console (ses voisins le remercient !) et profite de la night en enregistrant rien de moins que le dixième album d’Opinion. Pour l’anecdote, Opinion, c’est une chanson pas trop connue de Nirvana, mais surtout un blase plus facile à porter qu’Anal Distorsion, le nom de son groupe au collège. L’un des éphémères combos de mon lycée breton s’appelait Wax My Anus, je compatis. Outre des opus composés sous le patronyme Soft Depression, Hugo a monté son propre label, Nothing Is Mine (TH da Freak, yyellow, Pierre Gisèle), qui collabore avec Flippin’ Freaks Records et Les Disques du Paradis pour publier Horrible (rien à voir avec le film de l’illustre Joe D’Amato) (quoique) (Dr. Rocco et Mr. Sodo !!!), la nouvelle fournée incandescente de notre stakhanoviste insomniaque. Guitares grésillantes, crépitantes, distordues, boîte à rythmes qui tabasse, toutes mélodies en avant, les onze titres de Horrible dépassent le simple cadre du grunge, pour explorer un pan entier de la musique saturée : hardcore, punk, shoegaze, noisy pop, tout passe à la moulinette acérée de Opinion, tel cet irrésistible Missing Something That Never Happened qui verrait TV on the Radio noyé sous des couches de crasse. L’ombre de Yo La Tengo et de Hüsker Dü plane sur Talking About Yourself, tandis que The Posies et Teenage Fanclub innervent This Generation. Il faut dire que lorsque l’on adopte comme figure tutélaire le maître du crossover décomplexé, Ty Segall, tout paraît possible, tout paraît simple, tout paraît pertinent, comme nommer une chanson Smashing Pumpkins quand bien même elle n’invoque en rien le gang de Billy Corgan. Jusqu’au conclusif Dusthorses et ses dix minutes de guitare folk concassée qui, progressivement, (se) font (le) lysergique mur du son, Opinion maintient le cap vers la nouvelle année, pendant que sur les canapés couverts de chips écrasées et autres moquettes trouées, les épaves humaines se réveillent la tronche en biais, entre euphorie (ouah quelle nuit !) et regrets (bon sang, pourquoi ?). Le 1er janvier 2023, au petit matin, la terre entière agonisait de trop de tout, d’un tout futile et éphémère, d’un trop qui ne remplit rien et vous dévalise en pensée ; Hugo Carmouze débranchait sa guitare électrique en sifflotant, un nouvel album en poche. Pensez-y, la prochaine fois que, dans une soirée mille fois vécue, vous vous cuiterez la gueule. Il y a toujours mieux à faire.




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