Del est le premier groupe que Francis et moi avons inventé pour écrire nos chansons. J’écris « groupe », et en même temps, je pense que ça n’a jamais correspondu exactement à la définition traditionnelle du terme. Nous n’avons presque pas répété ou fait de concerts depuis l’enregistrement de cet album, il y a 7 ans. Avant cela, c’était déjà sporadique.

Pendant nos voyages et aventures diverses ces dernières années, et alors que notre activité artistique était souvent dédiée à d’autres projets (entre autres Angil and the Hiddentracks, dont Francis et moi faisons partie et auquel Brigitte participe souvent), il a toujours coulé de source que Del existait. C’est aussi en cela que ce n’est pas tout à fait un groupe : pas vraiment de début, jamais de fin. C’est un drôle de truc, avec son existence propre, qui va de soi pour chacun de nous trois.

Del est aussi un sacré paquet de souvenirs, d’émotion et de chemins croisés. Ce disque, nous avons tellement rêvé de sa « sortie » un jour ou l’autre qu’aujourd’hui, tenir l’objet diffusé par l’ami Gérald Guibaud (We Are Unique !) entre nos mains, ça nous fait presque bizarre.

Au début des années 1990, Francis et moi mettions le plus grand soin dans la confection de chaque cassette de Del. Alors un vrai CD pressé, avec une jolie pochette (dessinée par Guillaume Long) et un vrai mastering (réalisé par Gilles Deles), c’est comme une nuit dans un hôtel de luxe. Bon, c’est un disque sans code-barres (puisque distribué exclusivement aux membres bienfaiteurs du label), donc on reste dans un truc un peu décalé. C’est une image qui colle bien à Del, je crois. Merci à ADA de me donner l’occasion de décrire ce disque.

1 : Answering machine song Comme son nom l’indique : mélodie enregistrée (pour la retenir) sur le répondeur de Francis. Je pense que l’idée de commencer un disque par les paroles les plus aveuglément universelles qui soient dans la pop (yeah, yeah, oh yeah, oh yeah) vient du EP Thriller de Lambchop. Francis joue de la batterie comme un singe, sur cette chanson. Littéralement. Il saute sur le siège, écarquille les yeux et épuise son sifflet. J’y évoque les mots typiquement malkmusiens, comme « carabiner ». Entendre les réponses hurlées par Brigitte a toujours été bien jouissif. Brigitte : Rhodes / Francis : batterie, sifflet / Mickaël : guitare, percussions

2 : You wear your hair much too long Une composition de Francis, qui joue les deux guitares. L’arrivée de la deuxième pour le dernier tiers du morceau est lui aussi un bon moment à ondes alpha (pour la définition des ondes alpha, je renvoie à l’émission Le morceau caché !). Brigitte : chant / Francis : guitares / Mickaël : batterie

3 : Sometimes giants fall, like angels Une de mes chansons préférées de Francis. Attaquer la caisse claire et faire une partie de batterie complète a dû me démanger pour la partie finale, mais Francis, qui aime beaucoup jouer sur la frustration, la tension, m’a conseillé de ne pas le faire, justement. Ives, qui nous enregistrait, sentait quand même un petit manque à la toute fin : il a ajouté la partie de basse finale (et le coup de cymbale, si je me souviens bien), comme pour atteindre un palier symbolique supplémentaire. Brigitte : Rhodes / Francis : guitare / Mickaël : batterie / Ives : basse

4 : Call the aliens (ad lib) Ça n’est pas évident pour un auditeur qui ne nous connaît pas, je suppose, mais il y a des chansons typiquement francissiennes. Déjà, Francis compose le plus souvent sur 8 mesures ; moi, à moins de me faire un peu violence, sur 4 voire moins. Donc généralement, il y a au moins 8 accords dans une composition de Francis (comme ici), ce qui permet une inventivité un peu neuve avec les paroles, parce que la résolution mélodique arrive moins vite (Rose and Lily came to an agreement, and therefore to a flower arrangement). Brigitte : basse / Francis : guitare / Mickaël : batteri

5 : My favourite question mark Ives a joué le père symbolique. Batterie pas assez bien produite/jouée à son goût, alors après de longs débats, il nous a amené à la bonne décision : on l’a virée. Elle n’arrive plus qu’à la fin (le principe de la tension croissante, avec relâchement final, comme Sometimes giants). Le chœur haut-perché de Brigitte, c’est mon moment préféré du disque. Brigitte : Rhodes / Francis : Batterie / Mickaël : guitare, orgue

6 : The cities Une chanson sur mon année londonienne. Un magnet Enjoy life, this is not a rehearsal était effectivement collé sur la porte du frigo, dans le pavillon de banlieue posh où je louais une chambre. En fait, le texte est plutôt sur le retour : ce qui a le plus changé quand on rentre d’un long voyage, c’est soi-même. J’ai essayé de composer une chanson qui commence par le milieu. Au départ, il y a une série de fins (la phrase d’ouverture est une conclusion : and I am sure you will find all you need without a motion). Les paroles sont lisibles sur notre page Myspace, au fait. Brigitte : Rhodes / Francis : batterie, saxophone / Mickaël : guitare

7 : Turkish delights Je fais souvent des allusions au plaisir de manger dans mes textes ; ici, toute la chanson est sur ça. C’est probablement la chanson qui ressemble le plus au contexte : été 2003, canicule, montagnes auvergnates au loin. Brigitte : claves, claps / Francis : guitare, claps / Mickaël : batterie, triangle, claps

8 : Get to work on a horse Oui, donc on aime bien Yo la Tengo. L’une des parties de batterie préférées de Francis ; je me souviens qu’il l’a jouée complètement replié sur la caisse claire, le nez sur les genoux. C’est marrant, en écrivant ces notes je me rends compte que son jeu de batterie est toujours très lié à la posture, la position. Je suis certain que Sean Kirkpatrick (le batteur de Swell), c’est pareil. Brigitte : Rhodes / Francis : batterie / Mickaël : guitare

9 : The songs we wrote Je l’ai écrite en pensant aux High Llamas. Dans Bach Ze, une de mes chansons favorites, je croyais entendre le jeu de mots « see the visual through the blind ». J’ai vérifié, constaté que Sean O’Hagan ne disait pas ça (du tout), et donc réutilisé la phrase comme base du texte. Je fais ça sans arrêt. Au milieu du morceau, on nous entend changer d’instruments, comme si Eno s’était ramené avec l’une de ses cartes et nous avait forcé à pimenter tout ça. Brigitte : batterie puis Rhodes / Francis : Rhodes puis saxophone / Mickaël : guitare puis batterie

10 : Disculpe Nous l’avons reprise sur The And (pour l’occasion j’ai ré-écrit le texte portugais en anglais, mais l’histoire est sensiblement la même : une lettre perdue, reçue des années après son envoi). Francis l’a composée. J’y suis très attaché ; Francis me l’a « offerte » pour The And, c’était un sacré cadeau. Brigitte : chant / Francis : guitare / Mickaël : percussion

Pour recevoir l’album, il suffit de devenir membre bienfaiteur du label We are Unique ! Records. http://www.uniquerecords.org/unique/reinscription_membres_bienfaiteurs_2011.html

Pour 45 € (nouveaux inscrits) ou 40 € (réinscription, parrainage), on reçoit toutes les sorties du label en 2011, des cadeaux exclusifs, des albums du catalogue (qui contient les disques de Del, Angil and the Hiddentracks, Half Asleep, Melatonine, the John Venture, etc.)