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Est-il raisonnable de continuer à banquer chaque nouvelle sortie de Morrissey, The Cure ou Echo & The Bunnymen ? Ces trois groupes et artistes furent parmi les plus importants de notre existence, impossible de faire une compilation sans y joindre « Just Like Heaven », « Late Night, Maudlin Street » ou « The Cutter », impossible également de nier l’évidence : il y a bien longtemps que le Moz, Ian Big Mouth et l’ami Roby n’ont pas sorti d’albums dignes de leurs génies passés. Et pourtant, sombres crétins que nous sommes, nous persistons à prendre comme une bonne nouvelle le retour de Morrissey aux affaires discographiques, à maudire l’absence d’un nouveau The Cure et à regretter les guitares aériennes de Will Sergeant. Ce fanatisme aveugle, et guère raisonnable, nous pousse également à prendre un certain panard face aux copies carbones, aux duplicatas malins, aux résurgences indie-pop 80’s.

J’ai d’abord écouté le quatuor canadien Mode Moderne à cause de… son patronyme ! Franchement, avec un tel nom, l’auditeur se plait à divaguer avant même écoute d’un premier titre : Depeche Mode version Leader-Price ? Ian McCulloch chanteur chez Joy Division ? Lawrence de Felt en visite chez les Sisters of Mercy ? Le pire étant que « Occult Delight », deuxième album du groupe, ressemble grosso modo aux rêveries qu’inspire l’évocation d’une formation baptisée Mode Moderne. Gothique et sombre, légèrement électronique, parfois ouvertement pop, ce groupe, et là n’est guère le moindre de ses mérites, réussit l’exploit insensé de vocalement croiser le chant racé de Morrissey à celui, ténébreux, de Ian Curtis.

Autant-dire que la première écoute de « Occult Delight » est plutôt déstabilisante : parodie parfaite ou pompage habile ? Inspiration nickel ou bien décalque ingénieux ? Car entre les Smiths, Joy Div’, Andrew Eldritch, Lawrence, « Charlotte Sometimes » et Modern English, tous les vieux démons cold-wave / post-punk / indie-pop se pressent ici au portillon (de nos jours, nous résumerions cette masse d’influences sous l’appellatif front-wave). Mais de la même façon que Les Rythmes Digitales, en 99, cherchait à nous faire gober que Nik Kershaw fut l’un des plus beaux trésors des années 80, l’auditeur se laisse ici convaincre par le passéiste bagout de Mode Moderne. Jusqu’à reconnaitre aux canadiens un certain style et un aplomb qui laisse admiratif. Mieux : des chansons telles que « Time’s Up » (parfait jingle-jangle à la Johnny Marr), « She, Untamed » (qui pourrait provenir de « The Head On The Door ») ou « Unburden Yourself » (« Penelope Tree » s’accouple à « In Between Days » ?) laissent à imaginer ce que cette formation musicale pourrait apporter de positif à Morrissey si celui-ci, dans un soudain élan de lucidité, se décidait à bazarder Boz Boorer et Jesse Tobias. Et puis, impossible d’écrire une chanson aussi limpide et flamboyante telle que « Come Sunrise » (aussi soyeuse que « I Melt With You », aussi concise et précise que « Hand In Glove ») sans prétendre à un certain talent. Non, décidemment, au-delà des premières impressions, au-delà des références et des emprunts, Mode Moderne pourrait très vite s’imposer comme une prochaine valeur sûre (à l’instar de Toy, en fin d’année dernière).




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