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"The politics of lonely", le dernier album de Silencio, c’est d’abord cette superbe pochette pastel, paysage urbain sous un immense ciel rose, imprimée sur un carton granuleux à l’aspect mat du plus bel effet, à la typographie simple mais forte, s’affirmant sans ostentation. Dépouillée, économe mais chaleureuse. Et, donc, accueillante.

La pointe se pose sur l’amorce et la musique commence. "Intro", puis "City", deux évolutions d’une même matrice, caisse claire précise et presque sêche jouée aux balais, basse profonde et résonante, guitare aérée et légère, notes de piano électrique en broderie, et surtout, surtout, une paix, une sérénité, justement réhaussée par l’excellence du travail du son. Ici tout n’est que calme et profondeur... Sur cet album, Julien Demoulin, le guitariste et metteur en sons qui oeuvre depuis le début des années 2000 sous le nom de Silencio, s’est adjoint les services de Bernold Delgoda, batteur et plus par affinités (basse, synthés et traitements). La paire emmène l’ambient de Silencio vers des rivages plus post-rock mais tout aussi languides. Aidés par Nicolas Lecocq aux claviers et Lénina Epstein à la basse, ils déroulent une succession de paysages apaisés, construits principalement autour de l’imbrication guitare électrique / batterie. Cette dernière, toujours jouée à frappe retenue, toute en souplesse aux balais comme aux baguettes, apporte aux sonorités étirées des guitares traitées par les échos, l’ebow, ainsi qu’aux synthés, un contrepoint acoustique, une profondeur de champ réellement mise en valeur par le remarquable travail de production et de mastering. La face A, ample, rêveuse, étale, se déroule sans à-coups et se termine par "Blood From a Stone", treillis de notes électroniques sous lesquelles un arpège donne le rythme et qui accueille une guitare toute en réverbération brodant tranquillement un thème lointain. Pas de batterie ici, nous ne sommes pas très loin du "shine on you crazy diamond" de Pink Floyd ou des travaux les plus ambient d’Andy Summers, sans leur froideur.

La face B débute par "Someone else’s dream", empilement d’arpèges de guitare avec vagues de cymbales qui enflent et refluent, avant l’entrée d’une batterie plus discrète et moins diserte qu’à l’accoutumée. Le titre est moins ambient, plus proche d’un post-rock à la Bark Psychosis, avec sa basse qui assoie le morceau et en fait varier l’harmonie, mais il dérive progressivement vers un passage central tout en échos lointains et en répétition d’accords, majestueux comme les répercussions d’un appel sur les collines arides d’un paysage ocre et désertique. L’ebow fait alors son entrée et ses nappes étirées prennent le pas sur les échos, élévation progressive du point de vue, abandon de la station debout pour un long travelling vertical. Nous quittons la vallée pour prendre de la hauteur et observer le soleil couchant au loin, au dessus d’une chaine de montagnes. Changement de séquence, le rêve se termine, la batterie et un piano dans leur plus simple appareil esquissent un pas de deux avant que le morceau, d’accords en accords comme par autant de marches d’escalier, ne retrouve de la hauteur et se termine sur une ambiance solaire comme la fin de la face A en avait proposée, guitare en tête.

"Fallow" renoue avec l’ambiance des titres plus post-rock du début du disque, avec un fond de mélancolie qui ne dépareillerait pas sur la BOF de "Virgin Suicides", puis des nappes saturées se développent jusqu’au final en pizzicatos, avant que le dernier titre, "Stars", ne change à nouveau subtilement la donne avec sa rythmique toute en frottements de métal sur peaux qui sonne comme la respiration d’une machine chaude et accueillante. La basse s’y greffe, puis une guitare qui égrène quelques notes d’un thème étiré, du grave à l’aigu. Elle laisse sa place à un piano qui, s’il n’était jamais loin tout au long du disque, se retrouve ici aux avants -postes et à qui revient l’honneur de clôturer ce très bel album. Lorsque la rythmique s’arrête,il est rejoint dans cette tâche par un ultime arpège de guitare, cristallin et résonnant, qui se fond dans le silence lorsque les cordes ont cessé de vibrer...

Bel exemple d’album simplement beau et chaleureux, qui agit comme un baume sur nos âmes blessées, "The Politics of Lonely" parvient sans efforts apparents à se développer sans se répéter, à emplir l’espace le temps de l’écoute et à manquer dès qu’elle est terminée. Il y a ici assez de beauté pour que l’envie de le réécouter ne soit pas accompagnée d’un affaiblissement de son effet. Très vivement recommandé.




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