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Oubliez l’Anton Newcombe alcoolique et héroïnomane de « Thank God For Mental Illness » ou « Take It From The Man ! ». Aujourd’hui, le maître en chef du Brian Jonestown Massacre est un père de famille heureux, sobre, sain de corps et d’esprit. Ah ben merde, alors ! Imaginer Anton Newcombe se mettre à la Vittel, c’est aussi improbable que de recevoir un album acoustique de Morrissey. Et la créativité, dans toute cette affaire de rédemption et de désintoxication ? Fichtre ! Non seulement Anton vient d’écrire l’un des plus beaux disques du Brian Jonestown Massacre, mais il nous gratifie également d’un album parmi les plus percutants de l’année (parmi les meilleurs ?).

Auparavant, les albums du BJM comportaient toujours un petit morceau foutage de gueule, un truc anodin qui jurait considérablement avec l’étincelante sincérité de l’ensemble ; comme si Anton, plutôt accro à l’autodestruction, se plaisait à ne jamais sortir le chef-d’œuvre dont il se savait capable (une manière comme une autre d’emmerder les maisons de disques). Rien de cela dans « Revelation » : à l’image des flutes qui traversent le titre « Second Sighting », tout n’est ici qu’harmonie, cohérence, perfectionnisme et délicatesse. Est-ce car, pour la première fois, Anton Newcombe a entièrement enregistré cet album dans son propre studio berlinois ? Qu’importe, au fond. « Revelation » ne connait aucune baisse de tension, les titres se répondent avec une formidable logique, les habituelles dérives psychédéliques d’Anton respirent l’élégiaque… La perfection musicale !

« Revelation » transpire la pleine santé. Comment expliquer autrement des joyaux tels que « What You Isn’t » (l’un des sommets de toute la discographie du BJM), le délicat « Memory Camp » (qui rappelle la chanson « Wisdom ») ou le très Smiths « Nightbird » ? Probablement conscient de composer un disque important, Anton Newcombe peaufine ici chaque détail et texture sonore. Résultat ? En sus d’être diaboliquement mélodique, « Revelation » est l’album émouvant d’un artiste assumant enfin son génie (car oui, Anton Newcombe, à mon sens, est le meilleur songwriter de ces dix dernières années).

Précisons enfin que « Revelation » comporte treize titres et dure à peu près une heure d’écoute. Il en parait néanmoins trente de moins. Comme tous les grands disques. Et celui-ci en est un. Amen !