Musique mobile…Suspendue. Qui s’impose par sa grâce extrême, son intransigeance aussi. Musique à qui l’on parle. Mélodies flottantes, en strates, lignes claires ou saturées. Sinueuses, accidentées…Comme un parcours semé d’embûches, heurté mais qui, au final, se veut cohérent. L’electronica est un genre, presque une philosophie musicale, hors du temps, donc de la mode…Il y a, comme dans tout genre qui se pérennise, forcément des habitudes qui se prennent, des postures et des règles qui prennent le pas sur la spontanéité, et la créativité. Le danger est grand qu’il devienne alors une religion, et ses tables de la loi. Intangibles, ennuyeuses. C’est un risque qu’évite Takami Nakamoto, qui insuffle à sa musique une science du découpage, et du séquençage hors du commun. Une vélocité et sensibilité particulières, bien loin de la simple virtuosité électronique, qui, même si elle peut fasciner, demeure souvent froide et vaine.

Une touche chirurgicale à laquelle échappe Opacity … EP qui s’impose comme l’une des références majeures de cette scène foisonnante, parfois autiste … Ici la musique est visuelle, d’une finesse étonnante, immersive…Et surtout lumineuse…Une expérience sensitive, totale et puissante. Qui apporte un sang neuf, une vision renouvelée. On écoute, comme on est transporté. On entre de plain-pied dans le son, on y circule comme dans une ville. On le touche, comme une véritable sculpture. Un objet sonore, une œuvre démultipliée, augmentée. Dans les rouages d’une mécanique sensible, d’une musique-fleuve qui inonde la moindre parcelle de l’esprit…Et finit par captiver, hypnotiser.

Peut-on encore parler de musique ? Ou d’expérience sensorielle s’appropriant les codes de l’art contemporain ? Alors que ce dernier s’embourbe parfois dans un processus suffisant et superficiel, la démarche de Takami Nakamoto montre à quel point une esthétique profonde et utile se passe de discours … Ecouter et regarder …