Vendredi 6 juillet
On s’était bien préparés, on avait tout prévu pour être au top et arriver à l’heure sous les meilleures conditions. Le ciré, le tube de crème solaire, les casquettes (ah non, merde), l’appareil photo, les Docs pour marcher dans la boue… Tout on vous dit. Et là, une sombre histoire de chaussures rouges chatoyantes mais très inconfortables nous tombe dessus sans crier gare. Après quelques larmes et un aller-retour express au parking pour les baskets-plan-B, moins boue-proof mais plus confortables, le constat est sans appel : Our Girl, 1er groupe sur notre shortlist a déjà terminé son concert de noisy-pop sur la scène de la Plage.
Dépités, nous noyons notre déconvenue au bar… la bière (un peu chère, mais c’est malheureusement de coutume dans les gros festivals) y coule à flot. On en profite aussi pour découvrir le site d’une façon inédite en montant sur la grande roue installée pour l’occasion : c’est spectaculaire, c’est immense.
On s’approche de la scène de la plage pour découvrir Michelle David & The Gospel Sessions, qui comme son nom l’indique délivre un concert soul / rhythm’n’blues fort en cuivres et en énergie. La chanteuse communique beaucoup avec le public, court le long de la scène, danse tout en chantant d’une voix puissante et chaleureuse. C’est une musique parfaite pour débuter ce marathon joyeusement.
Petit détour vers la grande scène où l’on voit la fin du set de Nothing but Thieves, groupe pop-rock anglais qui a tout pour devenir un groupe de stade, les grosses guitares, les compos classiques & efficaces et une voix masculine androgyne (voix de tête incluse). On passe rapidement.
On retourne vers la plage ("Ahou tchatchatcha") pour voir celle qui a carte blanche pour la programmation sur cette scène le vendredi, à savoir Beth Ditto, désormais sans "The Gossip". Difficile de rester indifférent face à cette showgirl toute de rouge vêtue qui emmène son public du début à la fin, qui le charme, en partageant son plaisir d’être sur scène, son énergie et ses good vibes. On note dans la setlist une reprise de "Under the bridge" de RHCP et plusieurs tubes de The Gossip, qui font danser les festivaliers.
On les avait manqué au TINALS, on se rattrape ici à la scène Loggia (la plus petite et sans doute la plus intéressante côté découvertes) pour Warmduscher, anglais foutraques proches de Fat White Family. Malheureusement pour eux, ils ont la tâche ardue de jouer en même temps que Prophets of Rage qui draine la majeure partie du public du moment. Et pourtant, ça vaut la peine de les voir, entre le chanteur en manteau noir, chapeau et lunettes lui couvrant les yeux de chaînettes argentées, le "bidouilleur voix" aux allures de pervers en veste de survêt’ orange, tenant le module d’effets devant son sexe comme s’il se tripotait, le guitariste sorti tout droit des seventies avec ses rouflaquettes, lunettes de soleil et costume bleu, et le duo basse/batterie d’une redoutable efficacité. Leur garage-punk est barré juste ce qu’il faut !
Du peu qu’on entend de la fin du set de Prophets of Rage (et oui, chacun ses priorités), les morceaux de RATM manquent singulièrement de hargne côté voix : n’est pas Zach de la Rocha qui veut.
On se place ensuite idéalement (comprendre = le plus près possible de la scène) pour suivre le concert qui nous a décidé à venir : Nine Inch Nails. La dernière fois qu’on les avait vu, c’était déjà ici, en 2004.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’une fois de plus, Trent Reznor et sa bande font mieux qu’assurer, le set sans temps mort attaque avec "Somewhat damaged" et "The day the world went away" de The Fragile, puis enchaine tant des titres récents des derniers EP que les classiques incontournables : "Wish", "March of the pigs", "Head like a hole", pour ne citer qu’eux. Le show lumière est plus dépouillé que ce qu’on aurait pu attendre pour avoir visionné avec avidité quelques vidéos live qui nous avaient fait baver d’envie. La mise en scène est plus sobre, avec beaucoup de fumées, un voile blanc déchiré et vaporeux en fond de scène pour nous plonger dans une ambiance gothique post apocalyptique qui va si bien à la musique de NIN. On reste hypnotisé du début à la fin, heureux·se d’être là à savourer cette musique, tout simplement.
Bien sonnés, on fait tout de même un détour vers le chapiteau Green Room pour voir FFF prendre plaisir sur scène avec un set spécial Eurockéennes, mais on n’arrive pas à s’immerger dans l’ambiance, les morceaux à rallonges ne nous y aidant pas, il faut l’avouer. Il est temps pour nous de reprendre la navette direction le parking, en longeant au passage l’immense camping aux allures de petite ville éphémère, où l’on se doute qu’il ne doit pas être forcément simple de retrouver sa tente, ni de dormir tranquille.
Samedi 7 juillet
Plus prévoyants que la veille nous prenons de la marge pour cheminer tranquillement depuis l’immense parking jusqu’au lieu des concerts quelques kilomètres plus loin, dans le flot continue des spectateurs véhiculés par les navettes gratuites, alpagués par les sponsors qui distribuent allégrement chapeaux ou panchos ou encore coca pour faire passer la gueule de bois de la veille. On prend soin des festivaliers ici ! Nous arrivons sur le site pour profiter des 1ers concerts, notamment sur la scène Loggia où Truckks, jeune groupe de la région débute les hostilités. Ils sont quatre sur scène, en formation rock classique, avec un chant hurlé-parlé.
Ça envoie bien, c’est intéressant cette formule en français, on se prend à hocher de la tête et dandiner du pied. On a envie de leur dire de garder leur spontanéité et de ne pas trop écouter les conseils des « coachs-professionnels de la profession et du développement artistique », de rester tels qu’ils sont, en s’amusant, sans fioritures.
Nous poursuivons avec le punk des irlandais de Touts. Rien de superflu pour ce trio basse-batterie-guitare qui jette ses morceaux courts et ramassés au public qui en redemande et pogotte à qui mieux mieux. Le batteur joue des claquettes, on dirait presque qu’il a une double pédale, mais non, juste un bon jeu de jambes. Ils terminent leur set par une reprise de Gloria de Van Morrison pour nous laisser redescendre petit à petit de tout ce flot d’énergie.
En passant devant le chapiteau nos yeux sont attirés par une grande boule à facette sur la scène. Juliette Armanet, en costume argenté, joue sur un piano quart de queue et chante de sa voix à la Véronique Samson : c’en est bluffant ! Le backing-band ronronne tranquillement…
Nous poursuivons jusqu’à la plage pour revoir le show millimétré des Superorganism que nous avions découvert au TINALS il y a peu. Le public ne s’y trompe pas et retrouve ses plus beaux pas de danses et chorégraphies enfantines pour accompagner le groupe. C’est joyeux, c’est coloré, ça sent bon l’été, il n’y a plus qu’à se laisser aller. Du coup, on va y aller, là.
Changement d’atmosphère pour un des groupes phares des années 2000 de post-hardcore américain, At the drive-in dont on se rappelle la folie des concerts d’alors : ça sautait dans tous les sens, ça hurlait, ça se roulait à terre dans une belle frénésie. Cedric Bixler-Zavala, le chanteur, a gardé sa coiffure afro et son sens du rythme et de la non-retenue. Les autres musiciens se sont assagis (assoupis ?) et jouent tranquillement leurs parties, en vieux routards. Les morceaux du dernier album apportent un peu de nuance dans un set qui pioche allègrement dans "Relationship of command". Même si le son est moyen, on écoute avec plaisir le tubesque « One Armed Scissor » qui n’a rien perdu de sa magie et nous fait rentrer en transe. On redescend hélas bien vite de notre petit nuage après quelques heurts violents dans le public. Allez les gars, détendez-vous hein, on est là pour se faire plaisir, écouter du bon son, boire des bières, pas pour montrer sa virilité à coup de lattes, à qui frappera l’autre le plus fort de son épaule. Surtout t’as l’air bien con à chercher ensuite ton smartphone à terre, perdu dans la bataille. Serions-nous trop vieux pour ce genre de chose ? Ou est-ce que la notion de respect de l’autre (oui, c’est tout à fait possible en pogotant) est désormais devenue optionnelle ?
Quelques instants plus tard, nous assistons avec plaisir au concert des fameux Queens Of the Stone Age que l’on avait découvert ici même aux Eurockéennes, il y a pffffff, des années de cela, en 2004. Ils ont un truc, c’est clair, ça doit venir des bonnes vibes de la Californie, sûrement. Josh Homme est toujours aussi charismatique et on l’accompagne en chantant à tue-tête sur « My god is the sun » ou encore « I set by the ocean ». Sur « Song for the deaf », l’ingé son reproduit la géniale intro du disque, effet waow assuré ! On passera sur le solo de batterie dispensable pour louer la prestation en tous points excellente du groupe ce soir-là, agrémenté régulièrement des fameux "Merci beaucoup Motherfuckers" du leader qui dit se sentir comme à la maison ici. Tu m’étonnes qu’il a l’air à l’aise, c’est un putain de grand concert avec un son énorme !
Ça fait du bien tout ce flot de bon son, on recharge nos batteries, on oublie (presque) la fatigue pour ne plus garder que les belles images de ces deux jours passés dans ce festival qui fête ses trente ans. Bon anniversaire les Eurocks !
Album photo :
https://www.flickr.com/photos/infinir/albums/72157702461792655