Litanie de chaque fin d’année, guerre entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, pourfendeur de la date avant laquelle il n’est pas possible de verser son bilan, la liste des disques de l’année est comme le changement d’heure un débat qui existe que nous disons vouloir voir clos, mais pas au fond de nous, car le débat, c’est aussi un état d’esprit. Pour ma part, pas de considération technique (oh cette relecture par le trio jazzy péruvien du Laid de James à mi-tempo et en excluant les consonnes est divin, mais comme il faut rentrer dedans en se préparant je ne l’ai écouté que deux fois) juste le compteur de mon application qui correspond à celle sur un matériel ancien comme disent les jeunes (cd, vinyle) n’écoutant rien sur les plateformes de streaming sur lesquelles je n’ai pas de compte. Donc cette liste sera la substantifique moelle de mon année musicale, la dernière comme chroniqueur (Violator sera ma lettre d’admission à la retraite). Je pense pouvoir me retourner sur elle dans 10 ans ou plus, certes, je pourrai en rajouter d’autres que je n’ai pas écouté en cette année pas très lumineuse (temps, atmosphère, Macron....) mais au final, comme avec mes anciens bilans, ils sont toujours un reflet juste. Voilà donc ma liste de propositions à glisser au pied de votre sapin, ou à écouter pour votre Bilan 2024 que vous éditerez en 2026 (je parle pour la caste de ceux qui pourfendent la date)
L’année se termine, mais « ce n’est pas triste, hein, c’est super gai »
1. Bertrand Betsch “Kit de Survie en Milieu Hostile” (Microcultures)
Il est temps, je pense de réécrire l’histoire de la chanson d’ici, et de replacer Bertrand Betsch dans le peloton de tête. Avec ce disque, je pense avoir été irradiée par ce monument de justesse et de grandeur, un disque dans lequel la mélancolie trouve un endroit où se lover sans maquillage. Meilleur titre d’album (on frise le génie à ce niveau.), ce nouveau Bertrand Betsch est un tsunami sur la chanson d’ici.
2. Kicking The Habit “Self-Sabotage” (Hamper Studios / Ganache Records)
À ma naissance, on m’a offert un petit ours en peluche bleu, avec du blanc sur les pattes. À plus de 50 ans, je l’ai encore. Physiquement, il est plus entamé que moi, mais il reste mon doudou. Depuis, je n’ai plus eu besoin de doudou, enfin, je le croyais. Est arrivé Kicking The Habit, disque intrigant, touchant, direct, charmant, un accident comme il en existe rarement. En lançant un webzine, on le fait (enfin, c’était mon cas) pour découvrir des choses. Avec Self Sabotage j’ai l’impression de m’être transformé en chercheur d’or qui tomberait sur une pépite grosse comme un rocher avec lequel il va pouvoir vivre longtemps. Ce disque est mon nouveau doudou, j’espère pour les 50 prochaines années.
3. Memorials “Memorial Waterslides” (Fire Records)
« ...C’est un disque traversé par quelque chose que nous percevons, mais qu’il est impossible de nommer. Énorme, disque cinglé ou expérience créatrice débridée, ou plongée dans un inconnu peuplé de sirènes tentatrices. »
4.Tindersticks “Soft Tissue” (City Slang)
Les Tindersticks c’est un rituel de passage chez moi. Si lors d’une soirée, je passe un de leur album, un convive a une parole négative, je sais qu’il ne repassera plus jamais le pas de la porte de la maison. On ne touche pas aux Tindersticks, et Soft Tissue est un nouveau passeport pour l’élégance et la perfection.
5.Alan Sparhawk “White Roses, my God” (Sub Pop records )
j’ai la fâcheuse tendance à aimer les disques de musiciens qui vont plus mal que moi. Là, je pense avoir touché le pic, ou la creusasse, avec ce disque malade et beau, tarte et sublime. Il en faut du courage et de l’abnégation pour arriver au bout, mais c’est aussi parfois dans l’effort que nous pouvons voir la lumière. Alan ne semble pas la voir, et pour son art, tant mieux pour nous.
6. Saint Sadrill “Frater Crater” (Dur et Doux)
« ...Flamboyant, intriguant et totalement stimulant, ce nouvel opus de Saint Sadrill n’écrase pas la concurrence, car il n’en a pas, nous sommes dans des contrées que de rares explorateurs musicaux franchirent. Frater Crater, si je ne comprends pas sa signification, est dans mon esprit, la mélodie d’une technétronique qui serait dans la douceur d’un fracas maîtrisé. Chef d’œuvre. »
7.Winter Family “On Beautiful Days” (Murailles Music / Sub Rosa / Hublotone / Kuronoke)
Si la souffrance avait un visage, il aurait celui de Winter Family, duo qui ne cesse de nous remuer les tripes avec délectation. On Beautiful Days est un titre perfide pour un disque bourré de reliefs habités par des monstres effrayants.
8.Mustang “Megaphenix” (Vietnam)
« ...Disque gourmand dans sa thématique, Megaphenix est un album de combat contre les postulats, mais surtout contre ce qui semble gagner du terrain, la connerie humaine. Mustang pose un constat avec classe et poésie, n’évitant pas les dérapages tout en les contrôlant avec la maestria d’un cavalier domptant un cheval fougueux. Je ne me souviens plus de quoi vivre cela consiste dit Jean Felzine, je ne peux que lui répondre d’écrire des disques comme ce fantastique Megaphénix. Mustang à la table des grands. Ouvrez-lui les portes en grand. »
9. The Smile « Cutouts » (XL Recordings)
Deux albums dans l’année et une montée en gamme qui font de deux ex Radiohead les héros de la musique pas comme les autres, mais pour le monde. The Smile au Panthéon.
10 Kim Deal « Nobody Loves You More » (4 AD)
Comme une grande sœur pas croisée depuis des années, et qui, en donnant de ses nouvelles, nous redonnerait le sourire tout en nous crevant le cœur. Kim Deal attrape notre cœur.
11. Katerine “Zouzou” (Cinq 7)
« … Zouzou est un disque thérapeutique à prendre au degré qu’il vous sera le plus commode d’encaisser. Perso face à ce billet et les 29 ans qui m’en séparent, je vais prendre mon Zouzou matin midi et soir, afin d’accepter qu’il n’y a pas de bouton pause.....que le temps qui passe. »
12.Kitty Solaris “James Bond” (Solaris Empire)
« ...Abordant des sujets aussi divers que la paix sans tomber dans la sucrerie caramélisée, ou l’amour pendant la guerre (Lights Out) , Kitty Solarisempreinte les ellipses de ses inspirateurs, réussissant le parcours parfait d’un disque impeccable de bout en bout. A thousand leaves delicious. »
13.Food Fight “Zeitgeist Impressions” (Poche Records / Juvenile Delinquent / Roaring Blood Records)
« ...Zeitgeist Impressions, pourrait s’imposer comme un standard à ranger à côté du premier album des La’s, le I Should Coco de Supergrass ou le Trains Boats and Planes des Irlandais de Franck and Walters, un disque pop punk parfait, loin des moines copistes, avec la fraîcheur d’une troisième mi-temps sentant l’herbe fraîche à peine tendue, la sueur et le bonheur d’être ensemble. Ne cherchez pas le meilleur groupe anglais du moment entre Brighton et Manchester. Non direction Saint Pancras, prenez le tunnel sous la manche et une fois arrivé dans l’hexagone direction Rennes. Le vent se lève toujours sur Rennes. »
14 Beth Gibbons “Lives Outgrown” (Domino)
Toujours là quand il ne faut pas, Beth Gibbons nous assène le coup de grâce, appuyant sur la tête pour mieux la tenir sous l’eau. C’est beau, pastoral, presque cryptique, mais comme depuis 30 ans, addictif comme un poison violent. La douceur perfide.
15 Mayflower Madame “Insight” (Night Club Records / Up In Her Room / Ici Cold Records)
« ...C’est un précis de post-punk de néo-psychédélisme dans une atmosphère dark qui à l’instar des peintures du maître Soulages fait jaillir la lumière des reflets des aspérités. C’est un disque massif, une messe païenne noire pour s’éloigner du mauvais sort par la lutte. Grand disque d’un duo qui s’il ne pourra faire de l’ombre à l’astéroïde envoyé par Robert Smith, pourrait fragmenter les adeptes d’un style que les Norvégiens peuvent légitimement porter en étendard. Terrassant. »
16. Faïence “Tendance” (Human Sounds)
« ...Arrivé comme par effraction en cette fin d’année, Tendance, que nous n’oublierons pas de ci tôt, est une lettre d’amour qui comme un uppercut nous sonne. L’arbitre pourra s’obstiner à compter jusque 10, nous savourerons avec un sourire beat, les étoiles qui trônent et farandolent autour de notre tête. Un sommet dans les rencontres musicales d’ici. »
17. Dominique A “Quelques Lumiéres ” (Cinq 7)
Comment pouvais-je croire dans ma chambre d’étudiant que les chansons fragiles que j’entendais chez Lenoir, finiraient avec son auteur, sur le plateau d’un orchestre symphonique ? Dominique A entre dans le patrimoine de la chanson française, lui qui est entré depuis toujours dans ma vie.
18. The The “Ensoulment” (Cinéola)
« ...Matt Johnson aura donc mis 20 ans à revenir, mais il le fait en nous offrant 12 standards, faisant de ce Ensoulment un chef d’œuvre qui fera date. Le roi n’est pas mort, vive le roi. »
19. Matthieu Malon “Bancal” (Lost in music records / LIM05)
Le taulier de la scène souterraine, alternative (rayez la mention inutile.) était déjà de retour après l’imposant laudanum. Il revient avec Bancal, un disque de rock, attachant et impeccable, la lettre souvent émouvante et toujours judicieuse d’un ami à qui on veut du bien.
20. Stella Burns “Long Walks in the Dark” (Brutture moderne / love and Thunder)
« ...Bouleversant (Satellite) et dépaysant (Amor), Long Walks in the Dark, pioche autant dans l’aridité des grands espaces que dans celle des contrariétés, pour au final nous servir un disque a la fragilité massive qui cherche la lumière tout en nous éclairant, aussi paradoxal que de voir un cow-boy avec un verre de lait. Etoile noire irradiante. »
21. Alexandre Delano “La nuit des Couleuvres” (Bleu Nuit / Inouïe Distribution)
« ...Disque parfait pour un matin brumeux (Entre Chiens et Loups), quand il est temps d’arpenter les chemins à l’humus exhausteur de senteur, un pull chaud d’une taille supérieure en guise de barrière contre le froid, à la recherche de l’amour fou (celui de Paloma Rochon sur le poème Les Paupières de Lune n’est il pas le plus beau ?). Comme un lien jamais défait, mais à ne pas enrouler autour de son cou (Le Dernier Conclave), Alexandre Delano s’extirpe de la roue du meneur défunt, pour signer un disque tout aussi personnel qu’ancrée dans ce que nous aimons le plus, la mélancolie chaude sur des mélodies imparables. Sur une tour de Babel après le déluge des absences. »
22. Boreal WOoD “Boreal WOoD” (Autoproduction)
« ...Pour les noces de faïences de ce premier album, Boreal WOod aurait pu se briser et se fracasser, au lieu de cela, le groupe nous offre un disque, empreint de nostalgie pour votre serviteur, et remplis d’un souffle qui doit les interdire de ne laisser encore aussi longtemps sans eux. Un des EP de cette année. »
23. Ella Ronen “The Girl With No Skin” (BB’Island)
« ...En dix morceaux entre suavité et rock lettré et tranchant, Ella Ronen frappe un grand coup, une gifle, un coup en plein cœur, afin de réanimer celui que nous n’utilisons plus que comme outil de notre survie, mais plus pour nous relier aux autres. The Girl With No Skin est un lien pour l’éternité avec une artiste qui vient de faire une entrée magistrale, belle et fracassante. Je sais que l’expression est galvaudée, mais ici, elle prend son sens le plus juste, Chef d’œuvre. »
24. Turfu “Sous Rosée” (Airfono)
« ...Composé de 4 titres et de deux remixes, c’est une façon enivrante de rentrer dans l’univers du duo (Matthieu Souchet et Raphaël Decoster) duo formé au Portugal (que de lien avec ce disque au final) qui offre un moment d’une immense Tendresse à partager sous une fleur aux épines protectrices. Le futur de Turfu est le baume sur les douleurs du passé. Indispensable. »
25. Phoebe “Aphantasia” (Autoproduit)
« ...Mentalement, une image se dégage de l’album, celle d’un Mark Eitzel qui ne serait pas né non loin de la baie de San Francisco, mais plutôt dans les faubourgs de Londres ou de Manchester. Il s’en dégage une atmosphère douce, fine (on pourrait s’attarder sur les arrangements, mais j’ai peur de vous perdre en route, il est préférable que vous écoutiez, Can you feel this draft ? par exemple afin de goûter cette finesse et cette richesse), parfois chahutée comme pour sur The Black Teeth, mais toujours précise et savamment magnifiée. »
26. Pampa Folks “It Starts With The End Of The World” (Tipee Records)
« ...Suite évidente du EP Always on Time de 2021, cet album semble convoquer, des esprits, des fantômes, des génies, comme pour qu’ils nous servent de pare-soleil, éviter à l’eau de trop s’évaporer, juste assez pour nous. Thomas Lavernhe, joue avec notre appétit de la sieste collée (The Afterparty répondant à The Party et à son thème lascif), notre amour des mélodies imparables, notre irrésistible incapacité à lutter de trop pour jouir de l’instant présent (The End of The World) imprimant un ralenti, compagnon de nos journées d’été. Vous êtes maintenant au courant, il y aura du soleil en septembre, que vous aurez la possibilité de freiner dans ses attaques perverses avec ce It Starts With The End Of The World, injustement privé d’été. Disque d’utilité publique. »
27. Montanita “Dummy Light in the Chaos” (Only Lovers Records)
« ...Il n’en existe pas beaucoup des groupes aussi soudés, ces trois-là débarquent de Clermont, peut-être ont-ils arpenté la Vallée des Prades comme nous, été se baigner dans le Gour de Tazenat et apprécié la douceur de l’eau de pluie qui l’abreuve. Peut-être que non, mais la clarté de leur son, produit dans la veine de certains Pixies, est bienfaisant pour nos âmes abimées par les rumeurs citadines et guerrières qui enflent sur tous les points du globe. » Albertine D.
28. Billie Eilish “Hit Me Hard and Soft” (Darkroom / Interscope)
Point de jonction friable, mais là entre mon adolescente de fille et son grognard de père.
29. Charlie Risso “Alive” (T3 records)
« ….Charlie Risso est passionnante jusque dans ses velléités mainstream : Keep the Distance en est l’illustration, la chanson part de loin, du fond du mono avant d’agripper au passage des sonorités synthétiques, tout se désarticule jusqu’à l’arrivée de la basse et des refrains, et la répétition se fait mantra. Le dantesque et conclusif Time, entre kermesse maudite, Broadway et post-rock, dessine le portrait d’une sorcière avisée, à la voix agile et envoûtante, qui entre Gênes et Londres patiemment tisse sa toile : nous voilà pris au piège, mais hors de question de se débattre. » Alix de Stermania
30. Wysteria “Lycoris” (Ici d’Ailleurs)
« ...Au milieu de ce champ de ruines de nos espérances poussent des mélopées presque enjouées comme You’re Lying, qui nous donne de l’espoir et des envies d’en entendre toujours plus, de faire la rencontre de ces légendes qui se cachent derrière chaque roche des chemins brumeux à arpenter. Le disque de mon été. »
LA REEDITION DE L’ANNEE
Swell « 41 » ’(Talitres)
Magnifique réédition du 41 de Swell. Vous connaissez notre attachement pour ce groupe, pour cet album et pour ce label, la liaison de tout cela donne naissance à une réédition remarquable (livret, pochette.....). Pourfendeur que je suis des rééditions à outrance, je ne peux que baisser pavillon face à celle-ci. Cadeau inestimable
CHANSONS DE L’ANNEE
CHASSEUR – En diagonale
Biscornue Bitch - Tragédie d’un tricheur
Joe Goddard – Moments Die ft. Barrie
Beth Gibbons – Floating on a Moment
kicking the habit – The voyage
GISELE PAPE – Vivre
Alan Sparhawk – Can U Hear
NONSTOP – Crocodile Gandhi
Catchy Peril – Dancing
Mirabelle Gilis – La prunelle de ses yeux
ARNAUD LE GOUEFFLEC – Comme Kafka
La Lucha Libre – Coming so fast
TURFU – Seul feat. Yolande Bashing
Billie Eilish – Lunch