Depuis toujours la musique me suggère des images, et dans le même temps la pochette d’un disque fait l’inverse en m’orientant vers la musique possible. Si chez Fun Fun Funeral la pochette me disait de prendre un avion vers un japon onirique, la musique elle me proposait deux directions quand je fermais les yeux. Celle d’une bande d’enfants qui feraient l’école buissonnière en essayant de rejouer " Alice au pays des merveilles ", ou celle d’une bande de Hobbit qui partiraient soit disant pour retrouver un anneau, mais qui prendraient des chemins de traverse avec la joie de la découverte conjuguée à la mélancolie de l’éloignement. Pour les enfants, cela ne pouvait pas tenir longtemps, car une telle faculté à maîtriser les arrangements ne pouvait naître de la main de béotiens. Mais le jeu, la joie et un rien d’espièglerie ne pouvait me faire abandonner cette direction imaginaire. Pour l’expédition dans un monde fantastique, cela tenait la route si l’auteur avait au préalable pensé à disperser sur le chemin des mallettes dans lesquelles des affaires d’Animal Collective, Cocorosie ou MGMT seraient indifféremment enfermés, donnant aux découvreurs le pouvoir de mettre en musique des sortes de Haiku (ma vision du Japon tiendrait donc !), jouant entre la mélancolie et la puissance du souffle d’une liberté de création jouissive. "Everything is Ok" de Fun Fun Funeral serait donc un disque détaché du réel, prenant sa source dans une rivière nommée désir.
Duo franco anglais, Fun Fun Funeral.est composé de Clément Sbaffe (Satellite Jockey, Collection) rejoint par Dean Spacer (Action Beat, House of John Player, Clara Clara). Étonnant de parler de duo à l’écoute de ces chansons qui semble réclamer deux fois la composition du groupe Arcade Fire. Car la musique d’ " Everything is Ok " sans être emphatique, déborde de partout, inondant notre espace, sans pour autant le désagréger.
Cela commence par "Elba Sea" début imparable, comme si le duo nous faisait monter une petite côte, et qu’au bout de 47 secondes, l’horizon s’offrant à nous déclenchait une forme de folie joyeuse. "Perceptual Sytems" est lui un morceau qui n’est pas sans nous rappeler la bande de Panda Bear, ritournelle chahutée qui prendra rapidement sa place dans un grand huit aux sensations fortes (il sera également question de fête sur "Blood Moon", folie, toboggan étonnant, moment de libération, véritable petite déflagration d’un sourire énorme sous des yeux pétillants et des oreilles ébahies.). Avec " Seeds ", c’est un endroit peuplé d’animaux bizarres faisant des bruits étranges et mélodiques. Morceau que Bjork pourrait reprendre dans son répertoire si elle était moins cinglée.
Arrive alors "Bloom" , pièce maîtresse, moment d’émotion intense comme si Blonde Redhead traversait le rubicon, pour huit minutes, se laissant alimenter non pas par l’électricité, mais par des cascades acoustiques, comme autant de goutte faisant tourner la roue virtuelle de notre âme. D’eau, il en sera encore question avec "Rio Kosi" Titre aquatique, une traversée sur un petit bateau charmant un rockin chair sur le pont, une guitare dans les mains et un chant doux, amusé et plein de couleurs vives. Avec " Swrrrm ", chanson aussi étrange que son titre, sorte d’incantation qu’un personnage de "Dark Crystal" pour s’éviter les foudres d’un enfer proche, nous rappel qu’il ne faut surtout pas oublier le nom du groupe, Fun Fun Funeral. Puis il sera temps de nouveau de partir, se rendre à "Brazil" , loin des rives de l’Amazone, mais très proche de l’univers d’un Terry Gilliam tout aussi adulte rêveur qu’enfant-joueur se frottant au paganisme bobo de MGMT. La dernière étape, "Terra on Time " qui ressemble à une épopée musicale hors du commun. C’est un morceau organique dont le fil conducteur nous apparaît avec le temps, une plongée dans une forme de liquide amniotique dans lequel nous nous sentons bien, reposé presque assagit après autant de péripéties.
Entre souffle de vie incomparable, mélancolie offerte dans des parcelles minutieusement décorées, explosion définitive de la notion même d’ennui, cet album de Fun Fun Funeral est un disque aux images multiples, aux sensations positives, un très grand disque pour une palme en or.