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En 1996, Sukia tentait d’établir un Contacto Espacial con el Tercer Sexo. Réussite haut la main. Cha-cha fous et apparitions de Sylvana Mangano parée d’ananas, cartes postales en relief et carrosseries bombées, voix éthérées ou gorgées de virilisme. Le cocktail semblait venir d’une autre planète. Mais en fait, de Los Angeles, tout simplement. Le Vatican du cinéma.

À peu près au même moment, Stock, Hausen and Walkman montraient que l’étourdissement du génie pouvait jaillir de n’importe quel geste. Leurs six bras accumulaient les collages sur le fil, couturés invisibles ou à l’aide d’un lacet de chaussure, solides sans être figés, souples du bassin, et du cortex, pour de longs voyages qui persistent trente ans plus tard.

Sumi-e. Le lavis japonais. Technique de peinture monochrome, et forme de méditation, qui trouve son origine dans la calligraphie chinoise du Ve siècle importée au Japon par des moines Zen au XIVe siècle. Le noir de l’encre, plus ou moins diluée, pour des milliers de nuances subtiles. Retouches et corrections : bannies. Geste pur, hasard maîtrisé, dirigé par l’expérience et le souffle, la résolution sans parasite de celui qui tient le pinceau.

Laurent Saïet propose des survols, des plongées, des musiques de scène, images musicales aux bords flous, savamment dosées, concentrées sur leur essence, la raison qui les a fait naître. Avec cette musique au creux des oreilles, on bascule vers l’errance en des villes ouvertes mais fermées, désertées pour cause de virus aux allures de Léviathan, avec les courants d’air, les échos des corps cloîtrés, les craintes.

À mesure que l’album déroule son propos, plus l’abstraction s’affirme, plus le cadre se déchire pour laisser les nuances s’en échapper. Alors les gris se colorent, les noirs gagnent en profondeur, les blancs aveuglent. Laurent Saïet est libre. Nous avons peu à peu oublié ce que cela signifie. Mais pour lui, la liberté n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle est partagée, irriguée de voix autres, de pulsations tissées avec la sienne. C’est pourquoi dans After the wave, il s’entoure d’amis qui viennent donner leur intensité à un paysage qui ne demande qu’à renaître : Edward Ka-Spel, Thierry Müller, Quentin Rollet, Paul Percheron, Ben Ritter.

Une prédilection pour le piano électrique, le vibraphone, les cuivres et bois qui chantent haut (saxophone, clarinette), les cordes onctueuses, les synthés élastiques, les filtres qui fragmentent et fantômatisent les voix. Tout cela permet à Laurent Saïet de convoquer ses passions pour la littérature, le cinéma, la mise en scène, c’est-à-dire une pensée du corps dans l’espace. Et pour ce qui, dans le corps, relève de l’espace.

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