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Treize années après « Primes », le compositeur américain Greg Davis, féru d’une musique atonale construite sur le sens des nombres premiers, à la manière d’un Bach écrivant des énigmes mathématiques, poursuit sa trajectoire atypique de laborantin sonore et nous propose un « New Primes » , publié par le label Greyfade (Theo Bleckmann, Phillip Golub, Christopher Otto, etc.), en forme de déclaration d’amour à une abstraction synthétique riche en vibrations subconscientes.

En six plages instrumentales et pastorales – les champs se faisant nuages et lunaires halos –, le résident de Burlington façonne un drone ambiant dont le bourdonnement favorise une douce transe sans retour acide. Sont convoqués la mathématicienne Sophie Germain (qui usa du nom Antoine Auguste Le Blanc pour à l’époque outrepasser son statut minorant de femme) et ce bon vieil Euclide, dont on ne sait à peu près rien.

L’histoire raconte que le boss de Greyfade, Joseph Branciforte, a découvert l’œuvre de Greg Davis durant un trajet en voiture de six heures entre le Vermont et New-York : à l’instar du personnage du meilleur film de David Lynch« A Straight Story » –, il devait conduire un tracteur ou avoir fumé la moquette (« The harmony was like nothing I had ever heard before. »).

Greg Davis a, pour ce faire, créé de toutes pièces son propre logiciel informatique, qui alloue des sons en fonction des nombres incrémentés – chaque fréquence et tonalité répondant aux chiffres, sachant que la plupart des harmonies jouées ne sont pas audibles.

Bande sonore typique des galeries d’art contemporaines, les compositions de « New Primes » donnent peu à entendre et beaucoup à écouter. Il en va ainsi d’une musique exigeante, à l’intention certes intellectuelle mais à la finalité véritablement sensorielle. Ce qui rendait admirable Alvin Straigh, juché sur son tracteur lynchien, c’était la patience et la détermination qu’il mettait à se rendre dans un endroit où il ne voulait pas aller, pour retrouver quelqu’un qu’il ne voulait pas voir (son frère accidenté). A l’écoute de « New Primes », on se voit bien enfourcher n’importe quel tracteur et rouler des centaines de kilomètres, pour dire à ceux que l’on aime qu’on les aime. Sauf qu’on se sera endormis en route, et ça, c’est merdique.




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