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Compagnon de route (et autres) de Klô Pelgag, le québecois Karl Gagnon aka VioleTT Pi s’inspire de son propre recueil de poésie Baloney Suicide, publié en octobre 2019 par les éditions La Mèche, pour nourrir son troisième album de « petites perles qui, mises ensemble, forment un collier ». Un collier en guise de corde à pendus, si l’on se fie aux trash thématiques abordées au fil de courts textes infusés de poutine et de rock’n roll, dixit son auteur qui, par ailleurs, mettra en musique un tout autre matériau littéraire : « Ce qui est drôle, c’est que y’a rien du livre qui se retrouve sur l’album — sinon des concepts qui se ressemblent. ».

Truculent, notre homme évoque en interview aussi bien Spinoza que Mr. Bungle, Jean Leloup ou Gilles Deleuze, et comme bien d’autres avant lui, se félicite de sa très grande liberté artistique, tout en déplorant le désintérêt dont il est victime : typiquement le genre de discours qui me saoule chez les héros de l’underground, tel Pascal Bouaziz s’échinant à vivre aux crochets d’un système sous perfusion tout en accusant le public et les programmateurs de ne pas lui donner plus de place (et de fric, quelle injustice).

« Ma liberté m’isole complètement de bien des affaires — par exemple, je ne sais pas encore si je serai invité à faire la tournée du ROSEQ, le Réseau des organisateurs de spectacles de l’Est-du-Québec, qui garantit une trentaine de concerts en province. » Monsieur fait ce qu’il lui plaît, voyez-vous, il est libre (libre d’une liberté assistée), à aucun moment il ne se soucie de la rentabilité de son projet, mais il exige des garanties. Fonctionnaires de la musique moderne, unissez-vous !

Rien que pour ça (et aussi le visuel ignoble de son album, mais c’était déjà le cas pour EV – 2013 - et Manifeste contre la peur - 2016), je suis tenté – et je l’ai déjà fait – de rédiger ma chronique sans rien écouter du tout. Mais bon, dimanche après-midi à Paris, il pleut, aucune tentation, je m’y colle.

Aparté gastronomique qui vous permettra de comprendre pourquoi Baloney Suicide s’appelle Baloney Suicide : je suis un aficionado des Knackis Herta, j’en mange une dizaine par semaine depuis des décennies, alors la junk-food qui fait diminuer l’espérance de vie, ça me connaît. Et donc le saucisson de Bologne, composé de porc, de bœuf, de dinde ou de poulet, très populaire en Amérique du Nord, porte également les noms de lyoner, boloney, polony, jumbo ou… oui, vous l’avez deviné !… baloney. Un suicide à la viande, c’est noble, non ?

A l’instar des Knackis, on trouve de tout dans Baloney Suicide, publié par le label montréalais L-A be (Lior Shoov, Lonny, Alex Nevsky) : de la variété à la Pascal Obispo, du hard FM, de la pop baroque mélancolique (Aubade juvénile), du parlé-chanté, du funk à la Matthieu Chedid et des voix trafiquées, de l’électro-punk (Jeté au monde comme un trophée) sur fond de grosses guitares électriques, de l’inattendu, beaucoup inattendu (ruptures de rythmes et variations de climats, qui font que les chansons prennent l’apparence de collages sonores), du disco et même des jolies petites mélodies, bref, un joyeux bordel décomplexé soutenu par une production néanmoins cohérente, qui met en valeur l’imagination débordante d’un VioleTT Pi surprenant et en fin de compte plutôt attachant.




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