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Aux commandes du label strasbourgeois Herzfeld (Buggy, Einkaufen, Little Red Lauter), le vosgien Renaud Walter fait en juin 2023 feu de tout bois : sorties des albums A Scent Of Ruins (Hicks & Figuri, aka son frère Pierre Walter) et Radiations du quintet Récréation, mais également mise en lumière de ses propres œuvres, sous les alias Renz et Fancy Willy Fenton, les deux hétéronymes articulant par ailleurs la narration de leurs disques respectifs, le Double Standard du premier se prolongeant dans le Double Deluxe de l’autre, en une thématique aubergiste transcendantale – la montée en gamme du confort matériel corrélée à un éventuel upgrade de personnalité (schizophrénie ?) , et donc de registre musical.

Fancy Willy Fenton se fait le Mr Hyde du Docteur Jekyll Renz – le point de départ du switch étant un séjour dans la chambre 11 d’un hôtel miteux situé à Kehl (avatar de l’Overlook mis en scène par Stephen King, dans son fabuleux roman The Shining ?) et qui donne son nom au nouvel album de Renz, un Astoria initialement publié en début d’année (et en cassette audio) par le label Langue Pendue (Kid Vynnyl, Newell, Sinaïve).

« Tout ce que tu veux faire, et que tu ne feras pas, tu ne le feras, tu ne le feras jamais. »

Après un OS 2.0 minimaliste au chant chaud et posé, Tout ce que tu veux faire prend des airs d’hymne à la procrastination, sur fond de boîte à rythmes et de guitares électriques sourdes un peu crasseuses, chanté avec un détachement réjouissant : d’emblée, Renz pose les bases de son univers pop bancal, pointilliste et mélancolique, où affleurent arrangements synthétiques lo-fi toujours à propos et textes poétiques nimbés d’une lumière un peu crue, en forme de constats défaitistes néanmoins taquins.

Au fil des onze morceaux d’Astoria, Renaud Walter se raconte métaphysiquement, au travers du quotidien, de l’anecdotique, du mille fois vécu, à l’instar d’un Les crêpes bleues qui rappelle le génial Quelques petites bières, du fromage et du pain de Mac Thenardier. Ce sens du détail se traduit par des instrumentations épurées, à base d’accords mineurs, de silences lumineux et de motifs répétitifs entêtants, comme sur le new wave lo-fi Allume, poisseux et addictif.

La chanson Astoria - au climat très David Lynch - nous donne une clef pour mieux comprendre le cheminement émotionnel de Renz : « Plus j’avance et plus je crains d’être sur un mauvais chemin, mais pour le moment je vais de l’avant ». Renaud Walter pénètre dans la fameuse chambre 11, et c’est le déjanté Fancy Willy Fenton qui au milieu de la nuit en sortira, pour traîner ses guêtres dans la ville abandonnée. Entre les deux évènements, il s’est passé quoi ? « Tout près de toi, un œil rouge te fixe », le flip. Le camp narre une dérive, et cette dérive est tout autant intérieure que physique, elle laissera des traces.

« Le meilleur chemin, il n’est jamais vraiment bien, c’est souvent le pire qui donne au fond satisfaction. »

Sur le planant Double standard, qui en beauté clôture Astoria, le chant se tait, peut-être parce qu’il est temps de lâcher prise et de laisser jaillir le démon : aventures à suivre, avec le Banana Fog de Fancy Willy Fenton, double maléfique d’un Renz à la fois inquiet, apaisé et fin musicien. C’est toute la force de cet album très réussi, comme composé à la bougie, qui sous couvert de pop au bord de l’asphyxie et de textes malicieux bourrés de spleen, avertissement touristique à l’appui (fuyez l’hôtel Astoria de Kehl !!!), ira jusqu’à interroger, à la manière d’un Raymond Carver nourri de Young Marble Giants, la boueuse condition humaine.




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