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Une fois l’an, tandis que je voyage, je lis la presse musicale et réalise à quel point en matière de nouveautés je suis largué, aussi est-ce l’occasion de me remettre à la page, quitte à m’en faire saigner les oreilles. Et donc, me voici à l’aube d’une estivale session de rattrapage, à base de courtes chroniques et autres considérations sur une modernité buguée, qui inlassablement recycle des ficelles usées jusqu’à l’os (oui, ça ne veut rien dire) – ici, ce sera le disco, dont les tics de production inondent depuis des années le marché de la pop, coucou Clara coucou Juliette (et coucou Michel !), mis à l’honneur dans Prestige, le troisième album des Londoniennes de Girl Ray, produit par Ben H. Allen (de Christina Aguilera à Belle and Sebastian, l’Atlantan est éclectique) et publié par Moshi Moshi Records (Au Revoir Simone, Florence And The Machine, Lykke Li).

Reste à voir si le disco et ses clichés incrustés dans la mémoire collective (les boules à facettes, strass et paillettes, mais aussi le voguing les queers et John Travolta) serviront de tremplin aux ambitions de Girl Ray (Give Me Your Love, en collaboration avec les Hot Chip Joe Goddard et Al Doyle, vise clairement les charts), ou de pansements posés sur une inspiration en berne (confèrent Kylie Minogue et Madonna), telle que l’album précédent et ses ennuyeux ornements RnB contemporains – Girl (2019) – le laissaient supposer.

Inspirées par la série Pose de Ryan Murphy, qui se déroule dans les 80s et évoque la ball culture, les douze titres de Prestige raconte – introduction à l’appui – une virée en boîte, durant laquelle la narratrice célèbre aussi bien l’hédonisme que la quête de l’amour. Au travers de bien acidulées compositions pop discoïdes, Poppy Hankin (chant, guitare), Iris McConnell (batterie) et Sophie Moss (basse) s’offrent une virée sur les terres d’ABBA et de Chic, flegmatique raideur british en sus, provoquant chez votre serviteur un enthousiasme fort modéré.

Le cahier des charges rétro est rempli – rythmiques syncopées, basses funky, motifs de guitares saccadées, soli malicieux, cordes gluantes et harmonies vocales à la tierce – mais on s’ennuie à mourir, tant Girl Ray ne propose rien d’autre que la récitation très scolaire d’une période révolue (nous avons à tout jamais perdu l’insouciance), à qui il faudrait un jour lâcher la grappe (coucou Clara, coucou Juliette !), parce que zut. Je veux dire, le disco, hormis pour les ploucs en manque d’exaltation facile, c’était déjà ringard à l’époque, alors en 2023, malgré un retour en grâce chez notre ami millenial (qui adore tout ce qui ne lui demandera aucun effort), n’en parlons pas. Malgré une profusion d’effets de manche et de gimmicks astucieux, Prestige est cruellement fade : vous pouvez vous contenter de Give Me Your Love, par ailleurs sorti en mai 2021 (il leur a fallu DEUX ans pour pondre onze morceaux bouche-trous ???), et foutre le reste à la poubelle.

Enfin, pour ceux qui souhaitent connaître mon avis sur la récente polémique engendrée par les propos mal aimables de Juliette Armanet à l’encontre de l’auguste Michel Sardou : les rebelles d’aujourd’hui étant les rentiers de demain, j’espère vivre assez longtemps pour voir notre si mordante chansonnière se faire étriller par une version light d’elle-même, qui fera carrière en copiant non pas Véronique Sanson mais Céline Dion, que la prochaine génération, par goût du pied de nez, réhabilitera avec une joie morbide. Décidément, la jeunesse est un naufrage.




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