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En cette fête de la Toussaint, la pluie tombe drue sur les cimetières parisiens, que je n’arpenterai pas, même si en bon voisin, plusieurs fois par semaine je traverse le Père-Lachaise, tout en me traversant moi-même, d’une angoisse métaphysique l’autre. Il y a que le titre du premier album de Ronan Le Borgne, aka aRnane, en pause de son groupe [idwan], me fait de l’œil. En effet, j’ai grandi à Concarneau et les plages de sable fin de Trévignon, grande banlieue de Trégunc, ses chapelles, ses marais et ses roches tremblantes, furent le théâtre de maintes péripéties miennes, farniente au soleil, séductions maladroites et beuveries adolescentes, feu de camp et guitares folk à l’appui. Après le EP Summer Bye paru en 2018, aRnane se replonge dans ses souvenirs de jeunesse – le camping, les amitiés, les amours, c’était les années 90s, on avait la vie devant soi : enregistrées, mixées et mastérisées à Gradignan par Paul Magne (batteur de Cocoon), les onze compositions de Trévignon sont le carnet de bord mélancolique d’un chanteur sensible : Summer Bye, de par son atmosphère crépusculaire, pop électronique lardée de motifs répétitifs de guitares réverbérées, prend direct aux tripes. Quitter, être quitté, quitter l’été ou se quitter soi-même, l’universalité des ruptures, des hiatus, des fissures, à l’aune de l’intime, aRnane, par petites touches fait mouche. Et ainsi, c’est un pan de vie qui s’offre à nous : étreintes douloureuses les pieds dans l’eau (Slow dans les laminaires), adieux que l’on voudrait n’être pas des adieux (See you soon), le temps qui ronge et arase et fait malgré tout briller l’altération sensorielle (La barque rouillée, poignant). Si les guitares - son clair, cordes pincées à la The xx, arpèges bouclés, ou saturées, de riffs en solos -, accompagnent à merveille les pérégrinations lyriques de notre vacancier mémoriel, le piano n’est pas en reste, à l’instar de l’adaptation par Erica Le Borgne de Would you fly to the moon ?, et le soin particulier apporté aux chœurs, aux vocalises, aux envolées, se matérialise par des climax en forme de doux frissons. Belle plume et ukulélé à l’os sur Finistère : « T’avais la gueule de Tarzan et nous fumions nos 17 ans au Noroît / Un uniforme marinière maquillé d’un double Picon bière nous faisait roi (...) La nuit, ramène-moi traîner au bord de la grève au fond du port, avant que ne soit mon corps mort. » Trévignon secoue le cœur, tant et tant qu’en ce jour des morts, malgré la pluie, je me rendrai au Père-Lachaise et savourerai des souvenirs inopinément ravivés, ceux d’aRnane et les miens se mêlant en une douce catatonie - en pensée, direction le Noroît, rue du Port, bord de mer, bières et chocolat chaud, les yeux dans le vague et les vagues, et ainsi voguent les âmes émues.




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