La lecture des titres du second album de Drunk Meat fait (positivement) grincer des dents et présage une rage froide que Diagonale du Vide ne démentira pas : depuis quelques années, sur le bitume crasseux du vocabulaire bienveillant, fleurit l’immonde expression « belle personne », qui ne veut rien dire d’autre que l’immense vanité de celui qui l’utilise, sous-entendant que lui-même est apte à discerner qui est une belle personne et qui ne l’est pas. Moche. Le duo bordelais, épaulé par le label palois A Tant Rêver du Roi (The Guru Guru, Die ! Die ! Die !, Yes Basketball) et une solide boîte à rythmes, décline en dix courtes compositions post-punk minimalistes, teintées de blues, de swamp rock, de noise et de no wave, son regard acéré - de sa maussade et néanmoins salvatrice humeur n’épargnant personne - sur une société en voie de putréfaction, la vôtre, la nôtre : conséquence malencontreuse des politiques publiques menées depuis les années 60 (tous en ville, que crève la campagne !), la diagonale du vide, soit la zone plus ou moins désertée entre Meuse et Landes, accablée par le chômage et l’ennui, se voit affublée de toutes les tares quand bien même ses habitants n’en sont qu’indirectement responsables. Remember les portraits de Metz chantés / hantés par Noir Boy George : la province, c’est trash, mais les coupables se planquent à l’Élysée. Quitte à fustiger les beaufs, on pourrait y inclure les demeurés qui glandent au pied des tours d’immeuble : au fond, le pays tout entier est une diagonale du néant. Enregistré par Alexis Toussaint, Diagonale du Vide est un disque à l’os, parfois réchauffé par d’énormes basses synthétiques et des roulements de toms, où les guitares électriques s’en donnent à cœur joie, jusqu’à sonner surf music ; si punk français il y a (Bérurier Noir et Métal Urbain en tête), Drunk Meat penche plutôt du côté des States - The Cramps ne sont jamais loin. Glacial, cinglant, singulier, Diagonale du Vide est une pierre tombale de plus dans le cimetière des lendemains qui (dé)chantent.