En avril dernier, un objet sonore aux contours brumeux s’était posé sur notre bureau : bien qu’explorant les terres boueuses du post-rock, les climats folktronica et les cimes, plus synthétiques, de l’électro ambient, le judicieusement nommé Prologue, premier album du duo messin Nuages Électroniques, nous avait charmé par son sens de la retenue et sa science du pas-de-côté. Antony Dokhac (Shizuka) et Florian Claude (Lueur Trouble, 13 Dead Trees) nous reviennent avec un nouvel opus à l’intitulé qui ne déparerait pas dans une nouvelle de Philip K. Dick ou William Gibson. Dream Loading Control – et plus particulièrement son malicieux acronyme – pourrait évoquer le contenu additionnel d’un jeu vidéo, extension postérieure supposée enrichir / allonger l’expérience vidéoludique – nos rêves seraient-ils les virtuelles extensions de nos existences balisées ? Fil rouge de la réflexion menée par Nuages Électroniques sur un Dream Loading Control qui prend sa source dans les chutes de studio de Prologue, et dont les instrumentaux ont un format étonnamment court (à une exception près, jamais plus de deux minutes) – la durée de l’album correspond à celle du sommeil paradoxal –, le cycle nocturne mis en scène par Antony et Florian se morcelle en dix brefs fragments – de Enter The Dream Processing à Regeneration – qui, enchaînés, vous transportent d’une fulgurance l’autre, d’accalmies arpégées en orages chimiques, transe éveillée, cauchemar cyberpunk, travaillant le fugace, tant et si bien (la longueur réduite des compositions de Nuages Électroniques fait partie de l’expérience, et vous êtes le cobaye) que, parvenus au bout du voyage, nous nous posons la question suivante : avons-nous vraiment entendu ce disque ? In extenso : est-ce réel ? In fine : qu’est ce qui est réel ? Dream Loading Control est très court mais paradoxalement sait prendre son temps : il faudra attendre la moitié de l’album, soit Brain Backup, pour percevoir une boîte à rythmes, avant que le groovy Escaping The Nightmare – riff de guitare électrique et gros beat à l’anglaise, j’adore – ne mette le feu à votre lit. Ensuite, la tension retombe et fait la part belle aux sonorités bourdonnantes, aux motifs répétitifs, aux atmosphères vaporeuses, rappelant certaines passionnantes digressions de Pink Floyd. Addictif, hypnotique, éminemment vénéneux, Dream Loading Control mérite une écoute attentive, de préférence au casque pour en saisir toutes les subtilités. Et maintenant, ouvrez les yeux – vous êtes réveillés, mais rien ne vous garantit qu’il ne s’agit pas du même rêve, qui se poursuit à l’infini. Replay.