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La douceur brute, tout un programme, d’ambivalences sans ambiguïté en paradoxes cohérents, à cheval entre deux continents, que lient avec grâce le premier album de la contrebassiste et chanteuse franco-colombienne Éléonore Diaz Arbelaez. De ses voyages entre Paris et Medellín – études pianistiques au conservatoire de Boulogne-Billancourt, à l’issue desquelles elle se plongera dans le rock psychédélique ; étés en famille, baignés de tangos, de boléros et de bambucos, dans la ciudad de la eterna primavera –, Ëda Diaz en retirera un goût certain pour le brassage des genres et des cultures : Suave Bruta tire son nom d’un standard de la salsa caribéenne, composé à la fin des 80s par Joe Arroyo. Enregistrés en collaboration avec le producteur Anthony Winzenrieth (3somesisters), avec qui Ëda Diaz travaille depuis 2017, les onze titres de Suave Bruta prennent racine dans la musique sud-américaine – valletano, bullerengue, danzón, valse équatorienne et currulao –, s’appuyant sur une contrebasse modifiée pour mieux s’aventurer dans des expérimentations électroacoustiques, où se voient convoqués instruments traditionnels (claves, tambor alegre, bombo, planche de bois, etc.) tout autant que samples d’oiseaux, de mouches, de salons de coiffure, de violons, d’accordéons et de pianos, allant jusqu’à obliquement inviter les fameuses sœurs Goadec, from Treffrin – j’ai vécu en Bretagne : là-bas, ce sont de véritables légendes, toutes catégories confondues. Si les fantômes de Carlos Gardel, Julio Jaramillo et Rafael Escalona planent sur Suave Bruta, Ëda Diaz n’est en rien passéiste, puisqu’elle alimente de sonorités électroniques et avant-gardistes des compositions nimbées d’une mélancolie solaire, portées par un chant à la fois espiègle et émouvant, se permettant même sur le conclusif Déjà Vu un aparté en français qui lui va à ravir. Avec un talent indéniable, Ëda Diaz d’un claquement de doigts lettré et chaloupé fait de l’océan Atlantique un fleuve bouillonnant, relié d’une berge l’autre par un pont sur lequel, les yeux dans le vide et les pieds graciles, nous laissons dériver, un verre de guardo à la main, nos imaginaires alanguis. Concluons en rappelant ces quelques mots de Juan Ramôn Jimenez évoquant l’œuvre du poète colombien José Asuncion Silva (1865-1896), mots qui pourraient décrire Suave Bruta : « C’est une musique parlée, une somme d’amour, de rêve, d’esprit, de magie, de sensualité, et de mélancolie humaine et divine ».




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