Cinq ans qu’on n’avait pas eu de nouvelles du marseillais Christian Goldorakhmaninov (tout un programme !) aka Ultrateckel. On l’avait laissé sur les rives de Pamachacha, éminemment chroniqué en ces pages (« un disque tortueux, extasié d’amour, les yeux cramés par les étoiles, tantôt heavy et puissant, tantôt surexcité et habité, un peu branque aussi, d’une coolitude psyché-noise exorbitante »), revoilà notre homme, un cocktail (explosif) à la main, planté les deux pieds sur une plage sablonneuse difficile à identifier, puisque dans la Grèce antique Anticyra faisait référence à une île de la mer Égée, une ville située en Thessalie, près de l’embouchure du Sperchios, ou une cité de Phocide, réputée pour l’hellébore que l’on y cueillait et qui avait pour vertu de guérir la folie – je ne vous cache pas que j’aime bien la dernière option, même si j’ai tendance à penser qu’Anticyra et ses huit titres DIY à souhait ne sont en rien le genre de médecine dont rêvent les gens sains d’esprit (traduire : mornes). En huit titres de rock lo-fi, entre grunge (Everything Breath), ballades crépusculaires (No Fun) et giclées de pop détraquée (Greenman), le one-man-band Ultrateckel décline à coups de guitares poisseuses et de mélodies bien senties un spleen phénoménal, que l’instrumental Ante Anima ne démentira pas, et encore moins le poignant Black Bird. Ici et là, quelques touches 70s (le davidbowien The Flame), voire de blues jazzy, comme sur ce Ankh, bâti sur un entêtant motif de guitare. Au creux de la nuit de l’âme, tout se termine en douceur, avec un élégiaque Retour d’Anticyra, au cœur duquel l’on devine un apaisement salutaire : derrière son patronyme bravache et une esthétique chamarrée (le premier album, paru en 2004, s’appelait Songs About My Dick), Ultrateckel dévoile une sensibilité à fleur de peau, qui déjà affleurait sur Pamachacha mais trouve en Anticyra un écrin à la mesure de son talent si particulier.