Rock business et famille ne font pas toujours bon ménage, alors souhaitons aux sœurs Lucia et Mila, moitié du quatuor angeleno The Linda Lindas produit par leur ingénieur du son de père, Carlos de la Garza (CV solide, un temps batteur au sein de Reel Big Fish, il a bossé pour Bad Religion, Cold War Kids et M83), de ne pas subir le même sort que Britney Spears, The Beach Boys et autres frères Gallagher : le succès, certes, mais à quel prix ? Mila (batterie) avait huit ans et Lucia (guitare) onze ans lorsqu’en 2018 le groupe fut fondé par leur cousine Eloise Wong (basse) et son père Martin (cofondateur du website communautaire Giant Robot), dans le but de participer au festival Girlschool LA, dont la tête d’affiche était Kristin Kontrol, aka Dee Dee des Dum Dum Girls. Rejointes par la guitariste Bela Salazar, les Linda Lindas – dont le patronyme fait référence au film japonais Linda Linda Linda, sorti en 2005 et narrant les aventures d’écolières en jupettes qui montent un groupe de rock’n roll – connaîtront une ascension rapide, qui les verra lors d’une prestation en première partie de Bikini Kill se faire remarquer par Amy Poehler, glisser des compos dans le film Moxie, publier le brûlot Racist, Sexist Boy (nominé aux Kerrang ! Awards de 2022), que l’on retrouvera plus tard sur leur opus inaugural, Growing Up (ventes et critiques honorables, l’on relèvera néanmoins une accusation de népotisme émanant des justiciers éveillés de Pitchfork) puis tourner avec Japanese Breakfast et Yeah Yeah Yeahs. On a connu démarrage plus laborieux. Toujours young (l’aînée, Bela, a vingt balais), à l’image d’un registre dont on annonce régulièrement la mort depuis la fin des seventies, le quatuor a cette année ouvert pour rien de moins que les Rolling Stones, Green Day et les Smashing Pumpkins, avant de revenir avec un second album, dont l’intitulé fera également office de programme, ou plutôt d’absence de programme : No Obligation. Enregistrés durant les vacances scolaires (jeunesse oblige), les douze bombinettes concoctées par la bande des quatre oscillent entre punk rock de daronnes (No Obligation), power pop (All In My Head, un chouia putassière, parfaite dans une quelconque comédie teen US), new-Blondie (Lose Yourself) et hymnes électrifiés straight (Too Many Things). Il y a dans l’air quelque chose de parfaitement inoffensif – malgré l’énergie, la distorsion et l’effervescence rythmique, No Obligation sonne creux, la faute à une production bien trop lisse (Californienne ? La Californie édulcore tout sur son passage, trop de soleil, de jus d’orange et de compromis). Alors certes, le jangly Once Upon A Time sur ses couplets évoque les Strokes, Yo Me Estreso se la joue garage, le final de Cartographers tend vers le shoegaze, Resolution/Revolution vers Nirvana et Nothing Would Change… bah, c’est de la pop mainstream électrifiée. Bref, l’on ne remettra pas en question l’évidente spontanéité des Linda Lindas, point de procès en insincérité, elles font le job, c’est frais, c’est vivifiant, et franchement, c’est bien plus constructif que de twerker sur les immondices hip-hop RnB produites à la chaîne par une bande de tarés vêtus de blanc (coucou Sean Combs !).