Trois jours. Trente concerts. 21 000 spectateurs. Par-delà les chiffres, on retiendra une nouvelle fois l’effortd’exigence et d’éclectisme salvateur entrepris par notre festival hexagonal préféré. Seizième édition d’une Route du Rock qui continue de dérouler son bitume musical et estival pour le plus grand plaisir de festivaliers de plus en plus fidèles. Deux d’entre eux animent notre compte-rendu fiction. La Route du Rock 16 désormais vous y étiez...
La Route du Rock 16- Jour 1 : vendredi 11 août 2006
A ti l’ami ! Tes impressions sur la Route du Rock 16 ?
T’étais là aussi, je peux que t’apporter un autre éclairage...
J’aime ta réserve mon jeune.
La Route du Rock 16 donc... ? A l’image de l’équipe de France lors du dernier mondial de football. Pascal Praud évoquerait une " montée en puissance "...
Et si je te lance un nom ? Sans plus de formalités, Friends of Dean Martinez...
Tu cherches à me blesser ? D’aucuns avanceront l’éculée " bande-son d’un film imaginaire " moi je n’y ai vu que trois individus pratiquant dans leur coin. Globalement sans relief. A la limite du Yes. Et moi je dis No. Surtout quand le seul jeu de scène consiste à s’allumer une tige l’air détaché... Mais comment juger sur la seule foi d’une prestation... ?
Tu te défausses...
Nope. Du coup, par contraste Grizzly Bear apparaît légitiment comme une magnifique révélation (quoi qu’Horn Of Plenty date déjà de quelques mois)...
Je te suis ! Cette rencontre de folk vespéral et de pop expérimentale coruscante qui se paraphe d’harmonies vocales scintillantes... Terrible...
" Coruscante " ! Tu couches avec Mathieu Cuq de Rock&Folk ou quoi ? Mais t’as raison : " Deep Sea Diver " ébranlant, " Don’t Ask " sur le fil...
Sans parler de " The Knife " ou " On A Neck, On A Spit " et cette explosion rythmique emballante...
Si t’es resté jusqu’au bout -et comment aurait-il pu en être autrement- tu t’es retrouvé marron pour Howling Bells ?
Pour partie oui. Mais leur alt-rock mouillé du slip pousse à explorer leur album homonyme plus avant.
Ouais. Belle cohésion, set tendu, présence raffinée de Juanita Stein...
Toujours mieux que Why ? à tout le moins.
La déception, min garchon ! Oh lala... Une prestation sans contours, une confrontation indie rock/hip hop qui tourne Rémi Bricat...
Je te rejoins. Un mécompte à la mesure des attentes forgées par les écoutes répétées d’Elephant Eyelash. Et puis cette entame de set frondeuse, rentre dedans à l’égard du public. J’ai pas compris là...
Moi ce que j’ai pas compris c’est les Montréalais de Islands. C’est des potes à Raël qu’infiltrent le milieu indé ou quoi ?
Clair ! Tant de sève post-adolescente employée pour déconstruire la pop de manière si peu pertinente...
Difficile d’en parler effectivement. J’aimais assez les Unicorns pourtant...
Pour poursuivre avec un autre animal fabuleux, le concert de Mogwai t’en dis quoi ?
Un premier tiers exceptionnel de finesse et de maîtrise. Un truc ciselé, mélodique, vibrionnant...
Qui tourne rapidement à la recette et finit par s’avérer gentiment barbant...
Je suis obligé de me ranger à ton avis. Malgré " Hunted By A Freak ", malgré "Auto Rock"
Oops, we did it again ! On a pas parlé de Calexico... Ils ont des accointances avec Friends Of Dean Martinez, non ?
Ouais mais rien à voir. Oublie ! Ce vendredi 11 août, ils t’ont exposé leur vision de la pop indé au soleil de Tijuana. Avec une classe monstrueuse encore !
Déjà te prends pas pour le Roger Brunet de la musique pas comme les autres, tu seras gentil ! Parce que Tijuana y’
a plus bandant. A moins que tu sois un fétichiste de l’usine-tournevis...
Détends-toi le gland un peu quand même !
S’cuse c’est juste que j’ai eu l’impression d’être chez Taco Bell pendant plus d’une heure et qu’un faux mariachi allait me proposer une ristourne sur le burrito.
Roooooooooo, les clichés ! Evacuons la zone de combats. Y’a consensus sur les Liars non ?
Je t’arrête tout de suite, je ne m’engagerai pas sur ce terrain. Moi, comme l’a dit un membre du public, les Liars j’ai pas " les clefs musicales " pour comprendre.
Qu’est-ce tu veux comprendre ? Les Liars c’est Drazen Petrovic qu’aurait trop regardé le Blueberry de Jan Kounen et qui suivrait un stage de psychologie comportementaliste centré sur l’usage du tom basse et conduit par Mark E. Smith de The Fall.
Radical en somme.
Eprouvant en somme.
Faut qu’on fasse gaffe quand même parce qu’avec ce type de discours on a tôt fait de passer pour des partenaires médias parisiens à mèche qui débinent au bar VIP autour d’une vodka-Red Bull pendant trois jours.
Pas faux. Mais les deux jours suivants nous ont donné matière à enthousiasme non ?
Certainement.
La Route du Rock 16- Jour 2 : samedi 12 août 2006
Poursuivons avec le deuxième jour. Bon, You Say Party ! We Say Die !, plutôt enthousiasmant, non ?
Une sympathique bande d’aigrefins à l’ipod blindé des pierres angulaires du rock qui joue un dance-punk au cordeau et énergisant. Une entrée en matière très plaisante comme en réserve souvent la Route du Rock. Un set un peu à l’image de celui de The Organ l’année dernière.
"The Gap ", "Stockholm Syndrome"... balancés sans plus de cérémonie. Une chanteuse entre Karen O des Yeah Yeah Yeahs et Kathleen Hanna de Le Tigre. Un peu de pose et quelques chansons.
Chez les Pipettes en revanche, la proportion s’inverse...
Arrête... je souscris assez au compte-rendu mise en ligne sur les Inrocks.com : " la plupart s’accorde à dire qu’elles sont drôlement mignonnes et marrantes et que parfois, il ne suffit que de ça "...
Magnifique ! Attends faut que j’appelle ma copine pour qu’elle lâche le fonctionnariat. Elle allie les deux qualités alors... " Bibiche, arrête-tout ! Demain on passe chez Guérisolde te trouver une robe et on enregistre un disque. Comment ça non ? Moi je dis oui. Et pense au pain ! ". Sinon t’as Ségolène Royal. Comique et mignonne. Avec Hollande et ses faux airs de Joe Meek aux manettes, elle reprendrait " Leader Of The Pack "...
Tu pousses, l’axiome de leur girls-group sixties c’est de faire danser...
Tu m’étonnes ! Elles l’ont assez répété pendant leur concert. Mais sinon, t’as autre chose que cette bubble-gum pop totalement vaine ? Parce que moi les Pipettes j’en ai rien à Branlettes. Your time is wasted on me, girls.
Très fin ! Bigard a aimé Belle And Sebastian sinon ?
Tu retrouves le sens commun. Superbe prestation. Confondante de maîtrise, entraînante, classieuse...
A mille lieues de leurs premières confrontations avec le public qui tenaient plus de la fête de patronage.
Clairement ! Sur " Lord Anthony " quand Stuart Murdoch demande du mascara, on aurait presque dit Prince (en thèse de Lettres Modernes... ) !
" Electronic Renaissance ", " Like Dylan In The Movies "... géniaux ! Belle And Sebastian c’est limite U2 maintenant !
Reste plus qu’à revoir la garde-robe parce que le T-Shirt col roulé, moulant marine et blanc façon Virenque dans le col de la Joux-Plane de Murdoch, je suis pas trop sûr...
Vient Cat Power...
Vient très en retard Cat Power...
Certes. Les deux premiers morceaux joués par les requins du Memphis Rhythm Band et leur blues-rock désincarné et chatte épilée ! La vache je me suis fait peur...
Moi je pensais voir arriver Joe Cocker à tout instant...
Finalement l’étonnement aura été le même. Une Cat Power transfigurée monte sur scène après deux morceaux...
Le postulat c’est soit t’acceptes le barnum soul, les choristes sirupeuses contre-indiquées aux diabétiques, et la confrontation d’une musique à la peau nette avec sa voix de diva indé meurtrie...
...Soit tu la préfères quand elle vomissait sur ses Doc Martens les litres de mauvais Bordeaux chiqués avant de monter sur scène...
Sauf que parvenir à massacrer " The Greatest " parce que les Tina Turner-choristes veulent te persuader que " mon p’tit gars dans le Tennessee on chante comme ça " et bah ça pose question !
Les morceaux de Chan Marshall seule au piano quand même !
Je n’y étais plus.
Dommage, tu te préparais pour Tv On The Radio ?
Les pauvres ont eu à peine le temps de déballer leur matériel !
C’est vrai. Du coup ils donnaient l’impression de vouloir quand même caser leur set-list dans le temps restant. Tout était joué trop vite, trop fort.
Exact. Impossible de lire clairement les plans de ces architectes déconstructivistes de la pop...
Une soirée curieuse mais pour partie réussie. Qui commence post-punk et finit post-punk avec Radio 4.
Auteurs d’une prestation que la fatigue accumulée ce samedi nous interdit de commenter a posteriori...
Exact.
La Route du Rock 16- Jour 3 : dimanche 13 août 2006
Dimanche et dernier jour. Pas de TVP’s en vue.
Ce qui donne à Grizzly Bear l’occasion d’offrir aux absents de vendredi la joie de partager leurs expérimentations folk-pop laquées de vocalises argentines.
Un set un peu plus en dedans cependant. Le passage d’une salle intimiste à la scène du fort sans doute...
Les (tout juste) post-adolescents du Spinto Band eux maîtrisent la configuration festival.
Mais livrent une prestation d’indie-pop quasi caricaturale.
T’es un peu sévère mais disons qu’ils donnent l’impression permanente de découvrir un corps transformé par la puberté et dont ils ne savent que faire. Comme dirait une amie.
Ça secoue la tête, ça mouline, ça s’ébroue mais ça ne rend pas justice à Nice And Nicely Done leur pourtant plutôt convaincant premier album.
Le Spinto bande mou ce soir...
Arrête l’almanach Vermot l’ami !
Je repensais au concert de Katerine et son "Quelqu’un a un briquet ?" jeté au public.
Un concert au poil. Sans doute le meilleur de cette édition. Un ton au-dessus de celui du Rock Dans Tous Ses Etats diront les aficionados du festival estival.
Évidemment fêlé, totalement énergique et monstrueux de maîtrise. Compacte et rock.
Ce final avec " Borderline " qui prouve qu’être punk en moule-bite, body-arté par son petit neveu et accompagné par un backing-band sorti de Deschiens c’est possible !
Une transe collective qui remettrait à flots Manufrance.
Une autre idée de la classe avec Franz Ferdinand. Dans un premier temps, les gandins écossais donnent à peine l’impression de suer dans leur Hedi Slimane mais sans qu’on s’y attende on se trouve vite soufflé par la rutilance de leur machine scénique.
Pas de service minimum ici mon garçon. Moi j’ai trouvé ça chouette.
Les mecs de Band of Horses sans doute un peu moins. A cette heure avancée et après avoir shaké leur booty sur " 40 Ft ", les festivaliers semblent moins enclins à chialer dans leur bière tiède....
Dommage parce que l’indie rock épique de Ben Bridwell sonne juste et sur " The Funeral ", Bande de chevaux était à deux doigts de devenir le crazy horse qui s’emballe et qu’on espérait.
La meilleure soirée d’une édition une nouvelle fois exigeante et épisodiquement convaincante.
Merci Charles Villeneuve. Allez je te ramène...
Crédit photos : Hervé LE GALL - http://www.cinquiemenuit.com