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Dans l’édito de la brochure publiée à l’occasion du festival des Inrockupibles 2006, on pouvait lire " Rock, electro, hip-hop, folk ou pop... Qu’importe les flacons, il y aura l’ivresse. " En fait d’ivresse on déplore plutôt une lanscinante gueule de bois. La faute sans doute à un picrate encore trop vert... Compte-rendu du premier soir.

Soir 1 : jeudi 9 novembre 2006

Les petits mignons de Mumm-Ra s’avancent à l’heure dite sur la scène de l’Aéronef fixée par un public nettement juvénile et britannique ce premier soir du festival décentralisé des Inrocks.

Pas la moindre trace d’appréhension sur les visages luisants des cinq (tout juste) post-pubères. On y lit plutôt l’expression de ceux à qui la presse promet les stades. Et il n’en sera sans doute pas autrement tant le quintet de Bexhill-On-Sea s’applique à reproduire les recettes anthem rock : guitares exaltées, refrains épiques, attitudes de poseurs. " She’s Got You High ", " These Things Move In Threes " (’sympathique titre par ailleurs), " Song B", "Starlight", "Now And Never" comme autant de points d’un discours programmatique. Une conquête du monde qu’on leur souhaite. Mais qu’on refusera à Boy Kill Boy méchante caricature d’indie rock eighties qui marche sur les traces des Killers et autres stellastarr*. Si ce n’était la playlist nonchalamment jetée en fin de set (" Back Again ", " On & On ", " Six Minutes ", " Ivy Parker ", " Civil Sin ", " Friday Friday ", " Look Away", "Suzie", "On My Own") ce moment pénible aurait pu être effacé des mémoires d’un festival pourtant régulièrement enthousiasmant.

Un avis sans doute pas partagé par les deux jeunes groupies britanniques très désireuses de s’informer de la configuration du tour bus des Anglais et qui s’entretenaient devant nous avec le chanteur Chris Peck boudiné dans son jean cigarette mais suffisamment sûr de lui pour leur énoncer des clichés définitifs du genre " La musique c’est toute ma vie ! " De la vie, la prestation des Spinto Band n’en manque pas.

Le sextet guronsan lance son set à la vitesse d’un élu en campagne présidentielle et enchaîne les saillies power-pop -" Crack The Whip ", "So Kind, Stacy", "Oh Mandy", "Brown Boxes"...- comme pressé par le temps. Chacun joue sa partie, se démantibule, sourie et tournoie sans se soucier véritablement de la cohérence d’un concert par ailleurs miné par un son approximatif. Dommage qu’une nouvelle fois (cf compte-rendu de la Route du Rock Collection Eté 2006) les sympathiques Américains échouent à reproduire le subtil équilibre de l’euphorisant Nice And Nicely Done. Un titre qui conviendrait parfaitement pour qualifier le set des Kooks.

Devant un public qui fait la joie des comptables de la SNCF, le groupe de Brighton joue avec l’assurance que lui confère son près d’un million d’albums vendus. Luke Pritchard minaude gentiment et vocalise avec la science d’un briscard des scènes tandis que ce qui ne deviendra bientôt plus que son backing-band revisite les titres de leur premier disque Inside In/Inside Out nourri aux Kinks et à The Jam (" Seaside ", " Do You Want To See The World ?", " Eddie’s Gun ", " Ooh La ", " She Moves In Her Own Way ", " Naive "...). En rappel, une reprise du tubesque " Crazy " de Gnarls Barkley par Pritchard seul à la guitare avant un retour du groupe conclut un set maîtrisé mais dont on peine à retenir quoi que ce fût. Un peu à l’image de cette première soirée.

Soir 2 : vendredi 10 novembre 2006

Augmentation sensible de la moyenne d’âge en ce deuxième soir de festival mais chute drastique du volume capillaire. Egalement plus clairsemée, l’audience. Et plus recueillie, comme en quête de fond après trop de forme la vieille. Ce qui n’échappe pas à Natasha Khan de Bat For Lashes qui note dans un sourire : " C’est un des publics les plus silencieux devant lequel il nous a été donné de jouer.

C’est pas mal... . " C’est que la grâce, l’inventivité et la subtilité des mélopées folk, vaporeuses et planantes, des quatre Anglaises imposent la méditation. Bien qu’amoindrie par un méchant rhume, Khan et les siennes -qui s’échangent volontiers des instruments, parfois peu communs (autoharpe, bâton de pluie...)- revisitent " Wizard ", " Bat’s Mouth ", " Priscilla " ou " Sarah " avec science et maîtrise. " Trophy " tient lieu d’acmé et l’on se dit qu’il faudra rapidement revenir à Fur And Gold qu’on avait connement boudé sous prétexte qu’il manipulait une imagerie heroic fantasy abâtardie. On se rendra d’ailleurs à profit chez OCD à quelques pas de là pour échanger son exemplaire de l’album des Guillemots contre celui des quatre sorcières blanches. Rien ne saurait en effet pardonner la trahison de Fyfe Dangerfield en ce soir de novembre.

Le grand chevelu se présente seul aux claviers pour une introduction prog-rock hideuse qui ne réjouit qu’un unique fan de Vangelis. Par la suite, le guitariste MC Lord Magrao aura beau s’ébrouer à s’en faire vomir, la contrebassiste Aristazabal Hawkes irradier de sa beauté et le batteur Rican Caol ne pas maintenir le tempo, le set se résumera à un gloubis boulga prog et jazz en liberté des plus hermétiques. Heureusement Love Is All parvient à l’excellence dans la médiocrité et efface un instant ce souvenir douloureux.

Le répertoire des Suédois semble se limiter à une unique chanson -un brûlot pop fiévreux fêlé de la cafetière, pseudo dansant et vociféré par Josephine Olausson- jouée sur l’ensemble de la grosse demi-heure de leur set pénible. En même temps, ils avaient prévenu en intitulant leur Lp, Nine Times That Same Song. Le titre du dernier album de Midlake est lui The Trials Of Van Occupanther mais dit moins sur son contenu.

Les quelques films d’animation ou seynettes sylvestres projetés durant leur prestation offrent sur ce point quelques pistes. Nul besoin cependant d’intellectualiser un set qui parle au coeur : " Balloon Maker " ou " Kingfish Pies " (tirés de leur premier effort Bamnan and Slivercork), " Branches ", " Roscoe " ou " Young Bride " donnent leur pleine mesure jouées en public. On regrettera cependant cette retenue tenace du quintet de Denton. Retenue qui cède durant un " We Gathered In Spring ", monumental. S’il ne transcende pas ce soir-là, le soft-rock 70s de Tim Smith rapproche un peu plus la France du nord de l’America... Glad To See You (Midlake) comme le chanterait le groupe homonyme.

Merci à Danièle LUDVIG de l’Aéronef.

Photos : B. Dubiez

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