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Habituellement, on se contrefout des buzz accompagnant une quelconque sortie musicale. Si le disque est bon, tant mieux pour l’artiste. Si le résultat tire vers le naze, on boycotte sans pitié. Le cas Daft Punk s’impose néanmoins comme un chouïa plus retors. Et pour cause : l’écart est ici gigantesque entre la monstrueuse campagne publicitaire accompagnant le lancement de « Random Access Memories » et les qualités très modestes de l’album. Là aussi, on pourrait balayer les Daft d’un revers de main et s’en remettre à des plats plus consistants, mais ce serait oublier que Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homen-Christo enregistrèrent quelques grandes chansons vers la fin de la décennie 90 (on ne vous fera pas l’affront de citer les titres). Depuis, le duo électronique n’en finit plus de creuser sa propre tombe : « Discovery » oscillait entre un vieux Platine 45 et un disque de Rondò Veneziano, « Human After All » semblait inventer malgré lui un nouveau concept (le vide en guise de manifeste) et la bande son du film « Tron : L’héritage » n’ajoutait rien de nouveau au parcours déclinant du groupe…

Partant de ce principe (en 2013, il n’y a plus rien à espérer de Daft Punk) et pour peu que l’on puisse outrepasser le marketing entourant ce cinquième album, « Random Access Memories » n’est pas la purge redoutée. En fait, en cherchant bien, l’auditeur indulgent (ou pas très regardant) pourrait même y dénicher deux ou trois motifs muy simpático : une basse Chic par ici, la voix trafiquée de Julian Casablancas là-bas, une apparition de Panda Bear en fin d’album … Sauf qu’en écrivant cela, on admet surtout que les dernières livraisons des Daft Punk frôlaient une telle indigence que faire un peu mieux (pas pire, en tout cas) ne s’apparentait guère à un exploit sportif. Attention : « Random Access Memories » détient son lot de cauchemars à fuir d’urgence (mention spéciale à « Touch », le titre avec Paul Williams, sorte de croisement sous Clorazépate entre le Muppet Show et les petits chanteurs à la croix de bois) mais pas au point de conduire les Daft au peloton d’exécution. Pour le reste, « Random Access Memories » donne trop souvent la sensation d’une carrosserie BMW avec un moteur 2CV : production maousse, clinquante même, pour des compositions Fisher Price (à quelques exceptions près, le gentiment suave « The Game of Love » ou les deux dernières minutes de « Motherboard », par exemple).

Mais ce qui gêne le plus aujourd’hui chez Daft Punk, c’est l’aspect chambrette d’enfants qui personnifie chacune de leurs nouvelles productions. Puisant dans leurs premiers émois musicaux, Bangalter et Homen-Christo livrent avec « Random Access Memories » des grappes de funk aux contours très voyants, des effluves disco qui auraient très bien rendu dans un porno 70’s, des orchestrations (volontairement ?) de mauvais goût et des génériques parfaits pour un dessin-animé du Club Dorothée. Bien sûr, Daft Punk a parfaitement le droit de se faire plaisir en rameutant un pataquès de choses honteuses ; sauf que le trip passéiste et jeunot commence à sérieusement gonfler. C’est vrai, quoi : nous n’avons pas vécu notre enfance en défendant amoureusement les Smiths ou New Order pour avouer aujourd’hui que finalement, Jermaine Jackson et Cerrone c’était la grande classe !

Le chroniqueur va encore chipoter mais… c’est pas bientôt fini, ce délire sur les robots !? Amusants au début, les casques argentés et les voix sous Vocoder deviennent à présent des gimmicks identifiant Daft Punk, des marques de fabrique dont l’absence de renouvellement en dit long sur le refus du duo à chercher la moindre remise en question, le petit surplus de danger. Troublant et triste de constater que si Daft Punk incarna un jour une certaine idée de la modernité, en 2013 il ressemble à un vieillard les yeux rivés sur la chaîne Gulli.

P.S : pour les lettres d’insultes, veuillez, SVP, envoyer au rédacteur en chef qui ne manquera pas de les transmettre au chroniqueur concerné.




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