> Critiques > Autoproduits



Parfois, nous nous attachons immédiatement à des albums car l’accointance avec leurs compositeurs semble évidente. En gros : le musicien et l’auditeur viennent de la même génération, ils ont probablement écouté les mêmes disques durant l’adolescence, ils sont dépositaires des mêmes galères et tourments intimes… Autant dire qu’un album tel qu’ « Happy Sad » de Dear Eyes résonne à nos oreilles moins comme un énième flirt qu’une belle rencontre fraternelle avec l’un de nos semblables. Car à la tête de Dear Eyes, Frank Woodbridge a, de toute évidence, grandi en compagnie de parangons réconfortants tels que « Faith » (The Cure), le premier The Smiths, « Power, Corruption & Lies » (New Order) ou les productions atmosphériques que concocta Martin Hannett pour Orchestral Manœuvre In The Dark…. Des disques, des chansons, des noms qui sauvent une vie (ou bien qui la rendent très malheureuse, selon la célèbre pensée de Nick Hornby). Des disques, des chansons, des noms qui aident à cautériser les peines de cœur, à relativiser notre implication dans une folle histoire d’amour foutue d’avance…

Dans « Happy Sad » (titre ambivalent qui traduit magnifiquement la légèreté de se sentir triste pour en extirper des chansons à vif), les influences sont limpides mais incorporées dans un processus d’écriture intime, voire autobiographique (personne ne peut raconter de manière aussi réaliste les angoisses d’un amoureux s’apprêtant à retrouver sa dulcinée sans l’avoir vécu au préalable) qui donne une autre ampleur, une autre résonnance aux cinq titres de cet EP. Par exemple, sur l’hyper poignant « Go Train Fast Love » (un peu le « Just Like Heaven » de Frank Woodbridge), le trio Smith/ Gallup/Tolhust se devine mais n’empiète jamais sur le propos de Dear Eyes.

Car Frank n’écrit pas des chansons au hasard ; son besoin, sa nécessité de s’exprimer le rattachent à une urgence, à une question de vie et de mort (d’où, sans doute, l’aspect Morrissey que nous ressentons dans ces mots sensibles et directs, touchants car sans triche ni frime). A propos de Dear Eyes, il s’agira moins de parler d’influences new-wave et cold-wave que d’insister sur leurs réappropriations à des fins purement cathartiques. Là, les mots et la voix parlent intiment à l’auditeur : « Come with me caus’ i know a place / Where no more people don’t go / In this place there’s no need to drugs (…) In this place there is nothing bad / No regrets and no remorse » sur « A Place (Space Lullaby) » dans lequel Frank Woodbridge évoque un paradis imaginaire qui pourrait s’apparenter à la mort (dans la lignée du « In Heaven / Everything is Fine » de “Eraserhead”…). En fin de parcours, « Nightlife Dreamers » se laisser aller à l’optimisme et accélère les BPM (rejoignant certains morceaux du... « Nightlife » des Pet Shop Boys). Moins touchant que les quatre titres précédents (un côté too much empêche de complètement adhérer), cette facette clubbing indique pourtant que Dear Eyes possède de nombreuses ressources et pistes à explorer. En attendant la suite, « Happy Sad » est actuellement le baume au cœur que nous conseillons à tous les amoureux en période de souffrance (et ils sont nombreux)…




 autres albums


 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.