"Shoot that"...voilà une entrée en matière ! Heavy blues râpeux qui grince, lapsteel qui ronfle comme une Harley. On en prend pour notre grade dans cette rencontre entre le Yeah Yeah Yeahs des débuts, ce qu’aurait pu être The Dead Weather et la rudesse de Seasick Steve. Mais tout ça je voudrais le relocaliser. L’est de la France est le nouvel eldorado d’un revival blues sans mondanité. Hoboken Division s’inscrit dans une dynamique à laquelle ma région, la Lorraine (qui était appelée le Texas français), voue un culte. Thee Verduns, Doc Geo, Raw Death (et d’autres) sont autant de cow boys de l’est, de types qui fantasment une Amérique qu’on a d’abord connu à travers les figures mythifiées des héros d’une conquête de l’ouest peu glorieuse à laquelle Hoboken Division apporte sa touche heavy blues.
La formule minimaliste résiste à la redondance d’abord parce qu’elle carbure à l’énergie brutale mais aussi grâce à des refrains très accrocheurs. A ce titre on ressent que l’interprétation est live, jouée au cran d’arrêt et en one shot (en analogique !). Le superbe "Everything’s fine" donnerait à Tom Waits la bonne idée d’inviter Ani Di Franco. Hoboken Division y montre que son spectre peut s’élargir avec de discrets arrangements tout en conservant la pureté de son ADN. "Sugardaddy" arrive comme un tube sur la soupe, racé dans cette équilibre évoquant Alison Mosshart chantant avec The Reverend Peyton’s Big Damn Band, featuring Seasick Steve pour un blues rock certifié dancefloor. Rien que ça, empaqueté dans un écrin en trois minutes garantit sans fioritures ! "Desertion" augmente la liste des tubes avec sa ligne de basse qui rend dingue, sa guitare au son plus agressif qu’un piranha et sa mélodie qui me fait un peu penser à "Quiver Syndrome" de Mark Lanegan (dans Blues Funeral, disque qui ne me quitte jamais).
Arts & Crafts a été masterisé par Jean-François Justin qui fait encore un travail remarquable. La magnifique pochette, bien représentative du disque avec son couple de cadavres décomposés qui restent classes, a été réalisée par Jean-Luc Navette et l’artwork par Nicolas Moog (Thee Verduns, dessinateur de bd, pochette de REG et autres) ainsi que Julien Louvet le bouc d’Austrasie.
Un bel objet pour un très bon disque, sorti sur Les Disques De La Face Cachée...What else ? Je ne peux que leur souhaiter le même destin qu’à ces duos (mixtes ou non) qui ont il y a un peu plus de dix ans servi de missionnaires pour le blues rock primitif.