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La première question à se poser dans ces cas là, c’est le pourquoi d’un titre, c’est tout bête, mais le titre doit bien dire quelque chose de l’auteur. Cibola, pour votre culture personnelle, c’est le nom que les « conquistadores » espagnols ont donnés aux sept cités d’or Cibola, nord du Mexique, Nouvelle Espagne quelque part ailleurs, dans un temps autre, comme elle, omniprésent sans domicile fixe. Cibola, c’est la richesse suprême le summum des chances, la cime des fortunes, le dieu des puissances, et tout autant, la fondation des problèmes, la base de toute guerre, le principe des blessures. Vrai, vraiment vrai, tout a fait, voici un recueil de pépites d’or, de richesses intenses, un patrimoine sans évaluation possible. Marianne, dont j’ai découvert le travail lors de sa participation à l’album d’Orso Jesenska, a découvert des trésors pour nous. Marianne est le plus beau et bénéfique parasite que j’ai écouté, de chaque géographie, de chaque biographie, de chaque psychologie elle a su happer le mieux, l’essence, jouxtant de Tucson a Paris les pistes jusqu’à l’Eldorado, de Joey Burns (Calexico) a Yan Péchin (Bashung, pour résumer énormément l’historique du monsieur). Mieux que cela, notre inquiète et curieuse dame, entre yoga et écrits, a le don de faire ce qu’elle a envie, et de le faire bien, un jour de ténèbres, elle sort l’abandon (disque impressionnant de plaies et lueurs), autre jour se sera l’ivresse, la liesse et elle poussera la goualante, elle sidère, elle bouscule, elle crée, puisant dans les glaises des endroits l’idée, le son, et les mots, et puis après, que viennent les vents l’emporter, où elle tombera (un chat retombe toujours sur ses pattes), naitra une nouvelle Marianne. Sa prose est un art de rendre baroque le petit naturel, ses mélodies des écrins de velours aux allures heureuses mais dont le tissus est imbibé de gaz et noué de lames de rasoirs, le plus curieux, c’est le plaisir qu’on prend à y passer nos oreilles, coupures, coupures. Précise comme tireur d’élite, elle ne rate jamais l’instant parfait pour tel ou tel type de musique, a chacun sa sensualité, a chacun sa féminité ou masculinité, de l’éteinte a l’allumée, Marianne est un moment puis un autre, un voyage d’elle, et parfois elle sourira, et parfois elle nous écorchera, toujours est-il que même en vadrouille, on la trouvera en nous, installée mots et âme dans nos semelles qui marquent le rythme et dans nos mains qui se serrent jusqu’au sang. Inutile de poser un niveau à son art, inutile de la qualifier, inutile de classer ses époques, elle le fait elle-même, seule capable, dans ce Cibola Gold, lieux de tous trésors, dans la richesse aurifère d’un best of qui devrait inclure toutes les takes et toutes les participations, toutes les images, tous les écrits. De cette musette punk et sexuelle des « Draps lourds » au désertique « The one and only » du très jazzy rive gauche « Election », des petites lueurs lourdes de « Cayenne » (quel texte, madame) au douloureux rock « Tortue », de l’ironiquement joyeux et faussement exotique « Almas perverses », au folk Tucsonien de « Pomme », jusqu’à l’extrêmement sombre et blessant « Am Letzen », on découvrira avec ces nœuds indécis dans le ventre, que cet Eldorado, ce Cibola, est un lieux où l’on accède en dérive et poème entre quelque Arizona et certains Boulevards Raspail, au creux de nos cages thoraciques sans domiciles fixes.