En redécouvrant Be A Vegetable des Nîmois Drive Blind, difficile d’imaginer qu’une telle chose fut envisagée il y a déjà vingt ans. Et pour cause : le disque sortirait aujourd’hui, il se classerait franco parmi les meilleurs de l’année ! En 1996, malgré le succès grandissant rencontré par le groupe (Black Sessions, signature chez PIAS), l’oreille francophone, engoncée dans un snobisme qui lui fera également bouder les importants Sloy, n’avait sans doute guère saisi tous les enjeux, toutes les audaces d’un tel maelstrom sonique. Pour ne rien arranger, la formation splittera cette même année…
Mené par Rémi Saboul et Pierre Viguier (rejoints en 95 par Nicolas Gromoff à la batterie et Karine Auzier à la basse et surtout au chant), Drive Blind, avec leur second album, concurrençait sérieusement les meilleurs groupes indie-rock de l’époque. Tout y était assimilé, personnalisé puis recraché avec violence, hargne, abus dangereux : les hurlements de Kim Gordon, la pesanteur du grunge, les tôles fracassées de Mudhoney, les riffs en spirales des Pixies, la chape de plomb du metal (qui préfigurait les travaux de Josh Homme). Le tout avec une production ample, panoramique, menée par David Weber (Young Gods, Treponem Pal, Puts Marie).
Agrémentée d’un inédit (« Lose² ») et d’un titre jusqu’à présent disponible sur le mini EP accompagnant la sortie de l’album (« Wrecking »), cette réédition devrait réjouir, outre les anciens fans qui possèdent encore les billets de concerts d’antan, toute une génération qui, pour cause de médiatisation plutôt confidentielle, avait loupé, en 96, un disque spécialement conçu pour elle. L’écoute de Be A Vegetable ne provoque cependant aucune nostalgie. D’abord car il s’agit d’un album qui fracasse les notions temporelles et dézingue les classifications (ni pop, ni hardcore, un peu tout cela et même bien plus) ; également car, en 2016, Drive Blind, tel un phœnix ressuscitant d’entre les morts, ridiculise la propreté acidulée d’au moins 90% des « jeunes gens hargneux ».