Nous y voilà, les Rockomotives 2017 commencent pour nous ce jeudi 26 octobre à Vendôme. C’est un plaisir de retrouver les lieux de cette charmante et accueillante bourgade et l’ambiance si particulière et chaleureuse du festival. Nous avons hélas loupé les concerts des jours précédents, dont notamment Troy von Balthazar (un de nos artistes favoris) et Mnemotechnic dont on nous on a dit le plus grand bien. Difficile de tout voir sur un festival qui dure 10 jours quand on ne vit pas sur place.
Nous arrivons donc vers 15h à la cour du Cloître pour notre 1er concert du jour. Contrairement à ce que l’on avait d’abord cru, les concerts se déroulent dans une salle et non à l’extérieur, dommage pour le cadre mais plus sûr pour la météo. Julien Pras nous présente sa folk rêveuse, aux mélodies douces amères chantées en anglais en duo, lui à la guitare acoustique+voix et Helen Ferguson aux chœurs. Helen accompagne également Julien sur 2 morceaux à l’autoharpe. Leurs 2 voix s’accordent merveilleusement bien sur cette pop triste et lumineuse à la fois. À noter que son nouvel album « Wintershed » est sorti le 27 octobre chez Yotanka.
On avait hâte de découvrir le one-woman-band suivant, à savoir Suzy Le Void alias Miët. Nous l’avions vue quelques jours auparavant accompagnant Olivier Mellano dans son MellaNoisEscape revisité en trio. On la retrouve donc seule à la basse, enchainant les boucles, les rythmiques tapées sur son instrument, les sons distordus et travaillés. Le chant en anglais se fait doux ou rageur. On peut parfois lui trouver une certaine proximité avec Laetitia Sheriff sur la voix, mais son projet est d’une toute autre nature. C’est très sauvage et expressif, elle danse avec ses pédales et projète ses émotions au public. Miët termine par un poème de l’américain Walt Whitman, chanté à capella, sa seule voix résonnant au dessus d’un public attentif, magnifique fin pour un set réjouissant.
Puis direction la superbe Chapelle Saint-Jacques pour le concert de Tiny Feet, projet d’Emilie Quinquis, à la guitare et qui chante d’une voix douce ou plus énervée en anglais ou en breton. Elle est accompagnée par le rennais Yoann Buffeteau à la batterie et aux pads, et Lionel Laquerrière au clavier, le local de l’étape. Ce dernier vient de Thoré la Rochette, où se déroule le festival ‘Gare à la Rochette’ chaque année en juin, organisé comme les Rockomotives par Figures Libres. Le groupe distille une musique personnelle, assez inclassable et difficile à décrire en peu de mots. Emilie utilise parfois un archet sur sa guitare pour un solo avec disto. Sa voix peut devenir comme habitée sur certaines chansons, presque lyrique, à fleur d’émotions. Des sons électros se mêlent aux morceaux, et certains titres flirtent avec le krautrock. On retrouve Yann Tiersen, le compagnon d’Emilie, au violon en guest sur un titre. Le nouvel album « As an End to death » est sorti récemment chez les disques Normal et est enchronique sur votre webzine préféré (ADA ! Ben oui !).
Changement de plateau et d’univers avec Cabadzi x Blier. La scénographie est très présente et importante sur ce concert : une structure métallique mobile apparait, soutenant des rideaux de fils sur lesquels sont projetées des vidéos de dessins en noir & blanc tout au long du spectacle, évoquant l’univers des films de Bertrand Blier. La structure entoure les 2 musiciens au départ puis s’ouvre et s’articule au fil des morceaux, manipulé par un régisseur méticuleux portant un costume comme les artistes, allant jusqu’à peigner les fils (véridique !) pour une meilleure qualité d’image. Olivier Garnier rape/parle en français et Victorien Bitaudeau joue des percus, lance des séquences ou encore se transforme en human beatbox. Les paroles reprennent les thèmes des films de Blier, dont Tenue de soirée, les Valseuses, etc. Le spectacle est très chorégraphié, précis, pas forcément spontané mais la présence et l’implication des 2 musiciens le rendent vivant et vibrant. Public conquis !
Puis une table est installée pour Blanck Mass, aka Benjamin John Power, moitié du duo anglais Fuck Buttons, qui envoie son electro-noise extrême alors que des images sont projetées derrière lui sur un écran. De temps en temps, il hurle dans un micro avec une forte saturation, un chant primaire, guttural, proche du hardcore en cohérence avec les sons des musiques qu’il crée, nous rappelant parfois Aphex Twin. On pourrait être surpris par l’horaire de cette programmation qu’on aurait plutôt tendance à voir en fin de soirée, mais ça fonctionne complètement pour nous, ce qui n’est pas forcément le cas pour tout le monde.
Et là c’est le moment où vous pouvez demander : mais qu’a-t-il donc de si particulier, ce festival, hormis sa programmation éclectique qu’on ne retrouve pas partout ? Facile : sa taille humaine qui facilite notamment l’échange entre artistes et public, ses lieux de diffusion atypiques en plein cœur de ville, sa restauration basée sur des produits locaux cuisinés aux p’tits oignons (et végétarien friendly), ses vins et bières du cru… Et plutôt que de laisser l’ambiance musicale aux mains des ingés son entre les groupes, on retrouve le DJ set toujours pertinent de Magnetic & Friends à la Chapelle et au 3e Volume.
Vient le temps de la transhumance jusqu’au 3ème Volume pour la suite de la soirée. On découvre cette nouvelle salle de musiques actuelles ouverte il y a moins d’un an et située dans le même bâtiment que le Minotaure où ont lieu habituellement les fins de soirées du festival. Précédemment Montgomery, mais désormais sans Thomas Poli, Monstromery poursuit les réjouissances. On y retrouve à nouveau Yoann Buffeteau à la batterie, au clavier et aux chœurs (oui-oui, tout cela à la fois !) et Benjamin Ledauphin aux guitares (Jaguar, Telecaster), boucles et voix trafiquée. L’entrée en matière est assez progressive, le 1er morceau monte doucement, mais dès le 2e, ça envoie ! Si on devait décrire leur style, on pourrait parler d’un rock parfois noise, zarbi, répétitif mais déstructuré, où les voix sont utilisées et traitées comme un instrument. Les 2 comparses se font face sur scène, créant une bulle de sons autour d’eux, terreau fertile pour les monstres imaginaires. Même pas peur !
On poursuit avec LA sensation du moment, le groupe qui a tout gagné cette année, nous avons nommé Lysistrata, et leur math-rock-noise fougueux. Découvert via Ricard Live et la vidéo percutante de Rod Maurice, on était curieux de voir par nous-même le phénomène. Et ? Ça fonctionne ! Très bien même. La disposition scénique ramassée (guitariste et bassiste se faisant face devant le batteur) et les chants souvent hurlés du trio accentuent l’intensité et l’énergie déployée et ressentie. S’autorisant parfois des passages calmes comme on peut en retrouver dans le post-hardcore, le groupe est d’une précision et d’une puissance redoutable. Ils font clairement l’unanimité ce soir-là.
Épuisés par notre journée débutée tôt sur la route, on s’éclipse rapidement à la fin du concert, faisant l’impasse sur Mr Duterche & Dave TV.
Photos par Jérôme Sevrette.