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On se rappelle : après la fin de Diabologum, Michniak, le côté plus sombre du groupe, poursuit dans la veine la plus nihiliste de Diabologum en fondant Programme dès le début des années 2000, pour annoncer dès la première chanson « Je tiens pas spécialement a vous accrocher avec du style, mais j’y suis obligé / sans quoi il n’y aurait sans doute pas lieu d’être commercialisé / Mais sachez bien qu’c’est d’la merde.. », un projet d’une lumineuse noirceur qui aura duré 10 ans - jusque Agent Réel, le plus tranchant de tous, le plus engagé dans le bruit (avec Nous, un morceau noise de 30 minutes compliqué, presque frustrant). Puis fin de Programme, pour un nouveau parcours : Michniak commence une carrière solo - la poursuit pour être exact, après un « Poing perdu » sorti pendant un premier silence de Programme. C’était Pour Qui Sonne Le Tilt, une étrange douceur amère retrouvée après les années bruitistes et tranchantes du duo Bétous/Michniak : de la guitare sèche, du piano, et même un morceau disco dansant. Toujours l’écriture tranchante, crue, à l’image forte (parfois incongrue) d’Arnaud qui fait son chemin. Avec ces morceaux solos, on n’était plus autant dans l’opposition que Programme : mais on reste dans la cohésion de la carrière de Michniak.

Maintenant : L’Autre Jeu, le dernier Michniak, revient à la formule de 2012 après les errements précédents : on accroche quelques notes de piano qu’on égraine, ou quelques accords de guitare : le tout enregistré de manière distante, très lo-fi, accords sur lesquels Michniak pose une voix pleine de souffle, une voix fatiguée et bien moins acharnée sur chaque mot que par le passé : maintenant, il parle comme apaisé, mais tout de même claqué. L’Autre Jeu sera ce qu’Arnaud Michniak a sorti de plus calme depuis un long moment - peut-être depuis toujours : ici, une grande place aux vides, aux nappes arides, sur le long « La vie venge », de lointaines percussions de cymbales semblent apparaître aléatoirement, alors que la guitare s’échappe et tue parfois le silence laissé par les échos glacés, comme résonnants depuis des caves arctiques, du lointain.

Sur « La traversée », un long vrombissement grave est percé par des éclats au piano, suivis des mots étranges, des images parfois absurdes (jamais gratuites) d’Arnaud. De nouveau le piano est à l’honneur sur « Dans une boucle », ce sont les pianos qui sont à l’honneur : même Michniak d’habitude prolifique parle peu cette fois - de longs moments sans mots, uniquement avec l’instrument mis en avant ; plus les salves anxiogènes de L’Enfer Tiède, non, ici tout semble reposé.

Un album de torpeur, où l’on retrouve tout de même la plume - impression d’écriture automatique parfois - à quelques moments : « ce ne sont que des mots, des images et des sons dans le fluide hachuré de nos nerfs, nos dents, rien, une vague dans la toile d’un maitre ».

Michniak écrit toujours - sait encore composer des choses de qualité, et n’a toujours pas besoin des médias pour se faire entendre (disque publié sans aucune annonce autre que la sortie du disque le jour de cette sortie) : et il serait dommage de passer à côté.