> Critiques > Labellisés



Môme, on se demande si Arnaud Le Gouëfflec appartenait à cette catégorie d’élèves qui, assis au dernier rang ou au premier peu importe, regardaient dehors en s’inventant un ailleurs ou en souhaitant rester et investir l’endroit. Surveillait-il le ciel en guettant l’éclairci ou en espérant l’orage ? A l’écoute de son dernier lp on a bien une petite idée. Son titre, sûrement.

Un disque qui boycotte les formats et surtout les étiquettes ; la plus importante étant celle du stéréotype de "chanson française" qu’il transmute en "chanson en français". Et oui, Arnaud Le Gouëfflec écrit et chante dans la langue de Molière, mais il a eu la bonne idée, et ce depuis un moment maintenant, de la confronter à des contraintes musicales qui lui sont bien trop souvent évitées. Pour schématiser, on trouve ici ses mots pesés, sa voix calme tout devant (avec celle de l’incontournable Ooti). Et autour le tonnerre qui gronde.

Tout n’est alors que tension rythmique (ça c’est surtout Régïs Boulard, ses fûts, ses peaux), texture noise (là, c’est Olivier Mellano, l’électricité, ses cordes), oscillation d’ambiances (voici Thomas Poli, ses câbles, ses filtres d’amour des sons) mises en ordre de marche par le désormais légendaire chamane du Studio Fantôme (l’arrangeur d’ouragan, Monsieur John "Stormy" Trap) jusqu’au "rigmarole" final, embroglio de faux galimatias et de vrai doom metal, Barn Owlesque à souhait.

Car c’est bien vers ces couleurs crépusculaires que ce disque-pont entre deux scènes mythiques du rock - Rennes et Brest - que ce disque-miroir d’une époque qui part en breloque s’envole. C’est vers ces influences qu’il tend. Bien plus que vers celles de ses émérites compatriotes, chantre eux aussi d’une "électrification" de la chanson d’ici, en tête Xavier Plumas et ses Tue-Loup ou JC Versari. Ce qui se passe là est bien différent. Il faut plutôt regarder du côté des iconoclastes Eugene Chadbourne (avec qui Arnaud et John ont déjà collaboré), vers Michaux et Vian pour le verbe haut extravagant. Vers Pauline Oliveros aussi, ou les Virgin Prunes, pour l’expérimentation sauvage.

Pour sûr, Arnaud Le Gouëfflec et son gang brouillent les pistes, font la godille mais restent d’une clarté remarquable. Clairvoyants, visionnaires pour ainsi dire. Dépeignant le cours du monde comme celui de nos vies et de nos sentiments en tordant leur langage poétique et sonore dans tous les sens. Il faut entendre. Il faut écouter, le Brestois badinant avec la tempête sonique qui l’enceint pour mieux envoyer chier tous nos maux. Et blam !! Passé l’orage ... Passé l’insomnie !

Alors, je ne sais pas si cet album leur ressemble mais qu’est-ce qu’il est bon, qu’est ce qu’il est beau bon sang ... Merci !