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Il y a les berges de fleuves que nous ne voudrions jamais avoir à arpenter seul. Noyées qu’elles sont par une brume épaisse, mais mobile, laissant les ombres inquiétantes se dessiner, elles sont l’unique chemin possible, traçant un fil d’Ariane pervers dans un paysage qui semble s’être effacé, absorbé par un trou noir. Avec le temps nous avons traversé pas mal de ces rivages, la main tenue par des hommes qui n’ont jamais dit s’ils venaient du côté obscur, ou s’ils étaient là pour nous guider vers la lumière. Tom Waits ou Nick Cave, ou dans une moindre mesure, le chaman post adolescent Jim Morrison, sont, ou furent des guides, qui parfois nous perdirent sans crier gare. Ce nouvel album de Horse Temple, projet de Guillaume Collet (Rome Buyce Night, Dernière Transmission) s’inscrit dans cette lignée. Sept ans après « Ghosts / Tracks », il revient avec un projet ambitieux, celui de faire porter par cette musique aux allures obscures, des nouvelles inquiétantes, relatées par des protagonistes différents, victime (The River), témoin (Arh Abrabh), prédicateur (I Feel your Soul), criminel (Trust Me), toxicomane (Pray For The Monster), homme s’adressant au mal dont il souffre (Until The End), disparu implorant qu’on lui donne une sépulture (A Name), vieillard implorant le pardon au crépuscule de sa vie (I Want You), amoureux éconduit (Don’t Let Me Down) et même un vampire rêvant de pouvoir ressentir la vie (Nothing). Il en ressort un monolithe qu’il est difficile de fragmenter. Comme dans un sable mouvant, nous ne tenterons pas de nous débattre de peur d’accélérer notre perte, mais la proximité d’une corde, l’assurance de ne pas sombrer, aurait facilité notre avancée dans ce qui pourrait s’apparenter à un chemin de croix pas sa longueur. « Arh Abrabh » (titre obscur dont la feuille de presse nous donne une piste possible dans son décodage) est un disque noir (à noter l’artwork sublime reprenant une gravure de Gustave Doré) spongieux, marécageux et jusqu’au boutiste, une expérience musicale à partager, main dans la main, le cœur vaillant, mais l’échine froide et tremblante. Cheval dans la brume.




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