Sans aller jusqu’à évoquer les réflexions plates du fanfaron maussade Houellebecq sur le sujet, on se souviendra de Jorge Luis Borges, qui mettait en scène dans une de ses nouvelles un personnage chargé d’établir une carte du monde qui refléterait exactement le monde et, pour ce faire, devrait faire la taille du monde, au point de l’en recouvrir. Il est probable que le numérique – bardant la planète de satellites et de capteurs - rende possible (et donc caduque l’aporie d’Umberto Eco, qui, ayant fait semblant de prendre au sérieux Borges, a imaginé de bien ingénieux dispositifs – une carte transparente, une carte qui se déplie et se replie, une carte qui décrirait la carte, etc.) ce projet plus si fou. Par contre, on sait qu’une carte ne fixe pas seulement un lieu, mais également un moment (frontières et fleuves bougent). Qui d’une carte en temps réel, avec sons et lumières ? En un sens, le field recording, dont se nourrit « Nouvelles et Anciennes Pratiques de Cartographie Amateure », troisième album de Jean-Baptiste Geoffroy, batteur et percussionniste au sein de Pneu, Binidu et La Colonie de Vacances, se vit comme une cartographie connexe, par la captation de sons fugaces saisis dans des endroits en mouvement (si ce n’est le marcheur, ce sera le vent), en guise de sur-couche sensorielle. Le chant des oiseaux se rattachera à telle vallée, dans une lumière entre chien et loup, et alors, à cet instant précis, j’étais en train de penser à telle ou telle chose, ou à rien. Acousmatique et expérimentale, faite de collages sonores et de percussions tintinnabulantes, la musique de Tachycardie – en six pièces regroupant neuf pratiques – est un envoûtant recueil de comptines rupestres, bruissantes au creux de l’oreille.